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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/537

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d’imposer à la société une organisation nouvelle. L’empire profita des lois révolutionnaires pour créer la machine administrative la plus parfaitement oppressive qui fut jamais. Le pli fut pris par la nation : l’instrument de gouvernement était trop commode pour que la royauté rétablie s’en dessaisit. On parla de réformes ; et en attendant, des interventions nouvelles réclamées, par le public s’ajoutaient aux anciennes.

Mais, dira-t-on, cette fureur de tout réglementer est une maladie gallicane. Le défaut d’initiative individuelle en est la conséquence. Nous voulons y porter remède et imiter cette race anglo-saxonne, où l’État a des pouvoirs restreints, mais où l’activité des particuliers, même pour les objets d’intérêt général, accomplit des merveilles. — Il faut voir avec quelle verve et quelle connaissance des faits Dupont-White répond à l’objection ; il écrit à ce sujet un chapitre, le quatrième de son livre, où s’accumulent les documens, les citations, les énumérations de lois et de décrets. En Angleterre, il est vrai, le moyen âge et son régime individualiste s’est perpétué ; l’œuvre du progrès s’est faite par les castes ; mais ce n’était qu’un retard momentané. Pour faire face aux nécessités créées par la civilisation moderne, les lois se multiplient, les attributions du pouvoir central sont augmentées bien plus rapidement qu’en France, car il faut rattraper le temps perdu. On y fait du règlement, de la centralisation, de la tutelle avec fureur, et avec des bills d’une véhémence parfois féroce. L’auteur cite, avec leur date, tous les actes qui ont pour but de brider et d’organiser l’activité individuelle. Et afin qu’on ne l’accuse pas d’obéir à un esprit de système, il invoque les témoignages de deux autorités incontestées : « Notre confiance dans l’intérêt privé a baissé, dit le principal organe de l’école individualiste, l’Economist. Devons-nous imiter nos voisins du continent et nous confier à l’État plus que nous ne l’avons fait ? C’est une sérieuse question que la théorie résout négativement et la pratique affirmativement. L’expérience nous dit bien ce que l’on risque à placer sous le contrôle des lois l’industrie créatrice de la richesse ; mais le public demande impérieusement et incessamment l’intervention de la législature. » Et Vivien dit dans ses Études administratives : « L’Angleterre elle-même, à mesure que ses pouvoirs locaux échappent davantage aux mains de l’aristocratie, sent la nécessité de se rapprocher du système de centralisation. »

Depuis que Dupont-White a écrit le livre que nous analysons, l’Angleterre a marché d’un pas de plus en plus décidé dans la voie de l’intervention de l’État. Pour énumérer tous les cas, il faudrait un volume. Si on veut en connaître l’interminable catalogue, il suffit de lire les publications de la Ligue pour la défense de la liberté et