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Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 96.djvu/793

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que le possesseur a toujours chance en les regardant d’y découvrir quelque détail nouveau qui n’avait pas encore frappé ses regards. Ceux qui, malgré da modicité du prix des tableaux, n’ont pu s’en payer le luxe ont du moins quelques gravures. Plus souvent encore des cartes géographiques sont étalées aux murs. Le commerçant peut à loisir y étudier les pays ouverts à son négoce, choisir la place des comptoirs qu’il veut établir ou chercher sur la Toute indéfinie des mers la marche de ses vaisseaux. Dans chaque famille, d’ailleurs, il y a toujours quoique fils, quelque parent, quelque ami qu’on aime à suivre pendant qu’il navigue au loin, peut-être dans ces régions glacées dont les mystérieuses étendues restent encore vides d’indications. Le long des parois, des chaises correctement espacées, ou bien une de ces solides armoires aux moulures, noires et saillantes ; sur les dressoirs, des aiguières ou des vases d’argent ciselés par quelque habile orfèvre du pays, tels que J. Lutma ou Adam van Vinnen, et çà et là des objets précieux rapportés des Indes, des laques, des ivoires finement travaillés, des tapis de Perse, des porcelaines de la Chine ou du Japon qu’on commence à collectionner et à côté desquelles les faïences de la fabrication de Delft ne feront pas trop mauvaise figure. En somme, peu d’inutilités et encore moins d’encombrement. Le jardinet attenant à l’habitation est, comme elle, propret, bien tenu, garni de fin gravier dans les allées, avec quelques arbustes aux fouilles lustrées et des fleurs, des tulipes, des anémones, des narcisses, toutes ces plantes bulbeuses auxquelles convient si bien le sol de la Hollande et dont elle faisait dès lors un important commerce.

Ces maisons, dont Van der Heyden a si fidèlement reproduit l’aspect, sont incessamment lavées, pointes et repeintes chaque année, avec cette propreté minutieuse, proverbiale, dont le souci semble exagéré, mais qui, en réalité, est commandée par l’expérience et les conditions mêmes de la vie dans ce pays. Tout, on le voit, indique l’ordre, le soin, la prévoyance ; tout porte la marque de cet esprit net, sensé, pratique dont nous nous sommes appliqué à relever ici les nombreux témoignages. Ces façades alignées, ces rangées d’arbres plantés régulièrement le long des quais, ces canaux sur lesquels glissent sans bruit les bateaux qui apportent devant chaque demeure les objets nécessaires à la vie, tout cela aux yeux de l’étranger peut respirer l’ennui et la monotonie. Le Hollandais n’est pas blasé sur ce spectacle, et cette uniformité dont il s’accommode est l’image de sa vie elle-même. Ces biens dont, par un trop facile usage, ceux auxquels la nature les a dispensés ont désappris la valeur, c’est à lui-même qu’il les doit, ils sont son ouvrage ; il sait ce qu’ils lui coûtent et ce qu’il a fait pour les mériter. Ce sol sur lequel il vit, ces constructions qui l’abritent, cette mer dont il