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fini par s’enlizer. Assisté d’un homme expérimenté, Àrnauld, l’intendant, il fit préparer un relevé complet de tous les états de ressources et de dépenses du Trésor pour l’année 1617. Il voulut que ce travail fût prêt pour le 1er janvier ; ainsi, pour la première fois depuis Sully, et pour la dernière fois peut-être jusqu’à Colbert, on vit, au début de l’année, un budget complet de « l’exercice » dans lequel on allait entrer. Ce travail permit de relever de grosses irrégularités. On s’aperçut, par exemple, que, rien que dans la solde des Suisses, il y avait des manquans montant à près de 300 000 livres. Arnauld, qui nous raconte ce détail, fait observer simplement que M. de Castille, gendre du président Jeannin, était, en même temps, ambassadeur en Suisse, et était chargé, par conséquent, à la fois de conclure les traités et de verser les sommes qui lui étaient remises par son beau-père. De telles insinuations visant des personnes qui passaient pour honnêtes, s’expliquent par les mœurs du temps. Personne ne s’étonnait de voir des particuliers s’enrichir aux affaires. On demandait seulement qu’ils y missent quelque mesure.

Dans l’affaire des élus, sur laquelle s’était expliqué le président Chevalier, on fut également obligé de convenir, après vérification, que l’affermage était fait dans des conditions fâcheuses pour les intérêts du roi. La corruption, la faiblesse des gouvernemens précédens pesaient ainsi sur la nouvelle administration. Mais celle-ci eut à peine le temps de se reconnaître et de pourvoir au plus pressé.

On avait réuni quelque argent ; il fallait des armées. On songea d’abord à s’assurer des chefs dévoués et autorisés. La puissance royale était si diminuée que l’investiture du commandement de la part du prince n’eût pas suffi pour donner à un général l’autorité nécessaire. Il fallait qu’il eût, par lui-même, une grande situation et qu’il entraînât, en quelque sorte, tout un parti derrière lui dans le service du roi. Quelque temps avant l’arrivée de Richelieu au pouvoir, on avait fait sortir de la Bastille un homme de grande naissance, qui avait la réputation d’un bon officier général ; c’était le comte d’Auvergne, fils naturel de Charles IX et de Marie Touchet, emprisonné par Henri IV, lors du complot de Mme de Verneuil, et qui avait cuvé l’esprit de rébellion dans les loisirs d’une longue détention. Par un retour de confiance, où se peint toute une époque, on le délivra pour lui confier le commandement d’une armée. On s’assura aussi du duc de Guise, qui, un instant, s’était engagé avec les princes ; en s’y prenant adroitement, on put le ramener à la cour, et le réconcilier avec le maréchal d’Ancre. Enfin, on avait sous la main