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dépendait de moi, l’entente entre les deux nations et les deux gouvernemens. Il resta environ vingt minutes. Lorsqu’il partit, sa voiture traversa la foule des promeneurs qui s’étaient arrêtés devant l’ambassade, attentifs à ce spectacle qui était l’indice révélateur d’une situation nouvelle.

Avant de terminer le court aperçu de ces négociations laborieuses qui avaient rétabli les relations diplomatiques entre la France et le nouvel empire d’Allemagne, je me permettrai de citer l’extrait suivant de la première dépêche écrite par M. de Gontaut, deux jours après son arrivée à Berlin et dont il voulut bien me faire remettre la copie. Elle contient le passage suivant :

« Berlin, 6 janvier 1812.

« … Puis M. de Bismarck me dit que le gouvernement du roi avait eu extrêmement à se louer de ses rapports avec M. le marquis de Gabriac ; que personne n’aurait pu mettre plus de tact et un plus grand esprit de conciliation, avec toute la dignité que son gouvernement pouvait désirer de lui. C’est un plaisir aussi bien qu’un devoir pour moi, monsieur le Ministre, de vous rapporter ce jugement porté par M. de Bismarck sur notre chargé d’affaires, car il correspond, si je ne me trompe, l’opinion si bien motivée que M. le Président de la République et vous avez bien voulu m’exprimer sur son compte.

« Vicomte DE GONTAUT-BIRON. »


Je ne suppose pas, malgré ces témoignages trop flatteurs, que si j’étais resté à Berlin, j’eusse pu conserver très longtemps avec M. de Bismarck, surtout après la chute de M. Thiers, les rapports de bonne entente que l’état d’antagonisme, où se trouvaient placés nos deux pays, rendait souvent bien difficiles à maintenir ; mais je suis heureux d’être parti, si je puis dire, entre deux orages, et par l’éclaircie d’un ciel favorable.

Je quittai Berlin le 22 janvier 1872 après avoir mis M. de Gontaut au courant des affaires de l’ambassade. Ce fut à lui qu’échut, comme on le sait, le grand honneur d’apposer son nom sur l’acte diplomatique qui libérait notre territoire, et que M. de Bismarck désira signer lui-même à Berlin. M. de Gontaut seconda avec autant d’intelligence que de patriotisme M. Thiers dans l’œuvre de notre libération, et il eut même, dans la conclusion de l’acte final de la convention, une part personnelle d’une importance aujourd’hui bien connue. Elle doit lui mériter toute la reconnaissance du pays.

Qu’on me permette un dernier mot avant de finir.