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un but pratique aux éleveurs, leur dire simplement : nous voulons des oiseaux revenant par tous les temps, en toute saison, de tous les points de l’horizon. Et notre programme serait promptement réalisé. Le pigeon est très prolifique : un couple produit chaque année une douzaine de petits qui deviennent eux-mêmes, en moins d’un an, aptes à la reproduction. Enfin, une circonstance facilite encore la tâche de l’éleveur : le male et la femelle s’accouplent pour la vie, à moins que le caprice de l’homme ne vienne les séparer ; il est donc possible d’entretenir sans le moindre inconvénient des variétés distinctes dans un même colombier.

Il est indispensable que les efforts des éleveurs soient coordonnés et dirigés, parce que rien dans l’élevage ne doit être laissé au hasard ; or la connaissance des principes de la sélection n’est généralement pas assez répandue chez les colombophiles. C’est ainsi que beaucoup d’entre eux croient régénérer leur race belge par le croisement avec le ramier. Cette pratique doit être absolument condamnée : le messager belge est le résultat d’une sélection continuée depuis des siècles ; en le croisant avec un oiseau d’origine douteuse, l’éleveur revient en arrière et renonce au terrain gagné péniblement par les générations précédentes. Les transformations qui se produisent incessamment dans la race suffisent d’ailleurs pour la modifier dans le sens cherché sans qu’il soit nécessaire de lui infuser un sang étranger.

Cette vérité essentielle deviendra évidente le jour où les concours, qui sont actuellement la seule sanction de l’élevage, seront réorganisés dans un sens plus pratique et viseront l’amélioration du pigeon voyageur en vue de son utilisation. Les épreuves, auxquelles nous soumettons nos espèces d’animaux domestiques, servent généralement à discerner dans un lot toujours très considérable les animaux les mieux conformés en vue d’un service ou d’une utilisation spéciale ; ceux-ci une fois primés sont employés comme étalons, autant que possible à l’exclusion des autres animaux de même espèces. Les courses de pigeons n’ont pas exclusivement pour objet la recherche des sujets d’élite, des meilleurs reproducteurs, ils servent surtout à classer tous les habitans de nos colombiers par ordre de mérite, d’après leur aptitude au voyage. Le concours doit être pour le pigeon ce que le baccalauréat est pour les hommes : tout animal qui n’aura pas subi avec succès un minimum d’épreuves sera impitoyablement sacrifié. Nous avons, au cours de cette étude, exprimé l’avis que les courses priment la vitesse au détriment de l’instinct : si la poste aérienne devait être organisée, on se préoccuperait avant tout d’affecter à ce service des animaux dont le retour fût assuré.