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Mais si la loi des Universités n’a pas plus d’importance, et qu’il n’y aille que d’un simple changement de nom, comment se fait-il, demandera-t-on, qu’elle ait soulevé naguère de si vives discussions ? et par hasard, ni d’un côté ni de l’autre, avec ce manque de sincérité que l’on décore du nom de politique, n’aurait-on osé dire, les uns, tout ce qu’ils craignent et les autres, tout ce qu’ils espèrent de ce changement ? C’est bien notre opinion. Un changement de nom va quelquefois plus loin que l’on ne pense ; s’il est rare qu’il opère une transformation du fond même des choses, il la prépare, en y disposant les esprits ou en y inclinant les habitudes ; on en voit découler des conséquences fâcheuses ; et pour notre part, c’est ce que nous redoutons.

Je n’insisterai pas longuement sur la mort prochaine et assurée dont les « petites » Universités se sentent menacées par le développement des «grandes ». Les « petites » Facultés, — établissemens d’État, inscrits comme tels au budget, et uniquement alimentés ou soutenus par lui, — pouvaient continuer de subsister à côté des « grandes » ; et nous avions vingt moyens d’en perpétuer l’existence. Mais supposez que les « petites » Universités soient désormais réduites à leurs propres ressources, dont le plus clair leur sera fourni par les contributions universitaires, droits d’inscription, droits d’examen, droits de bibliothèque, etc. ; et il est évident, pour toutes sortes de raisons, que les « grandes » Universités les auront promptement réduites à mourir de faim. Ce sera l’histoire de la destruction des « petits magasins » par le Louvre et le Bon-Marché. Tant pis pour elles ! dira-t-on, il n’y a rien d’éternel en ce monde ! et de monter à la tribune pour y entonner l’hymne ou l’ode au Progrès ! Oui, si l’on n’avait pas fait dépenser à telle ville, comme Poitiers, 445 000 francs en vingt ans, de 1870 à 1892, ou 870 000 francs à telle autre, comme Grenoble, « pour constructions ou aménagement de Facultés ! » Que veut-on qu’elles fassent de leurs installations scolaires ? qu’elles les transforment en greniers à foin, ou en casernes de cavalerie ? Si l’État a beaucoup de droits, il n’a pas celui d’induire les municipalités en dépenses, et quand la dépense est faite, le droit de déclarer qu’on l’a faite en pure perte. C’est ce qui a soulevé contre la création des Universités une partie de l’opinion provinciale ; et, comme on en avait jadis exprimé l’intention, au lieu de ne créer que cinq ou six grandes Universités, si l’on en crée autant qu’il y a de « ressorts académiques » en France, l’État n’en aura pas moins manqué à ses engagemens : il aura seulement joint l’ironie à la mauvaise foi.

Remarquez encore qu’à un autre point de vue, si de vieilles villes, de très vieilles villes, comme Aix en Provence, comme