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8 canons Maxim, 4 canons de campagne, 33 000 cartouches de fusil, 20 caisses de projectiles, 742 chevaux et des voitures de toute sorte. Les Boers, qui n’avaient eu que 4 tués et 5 blessés, se comportèrent noblement dans la victoire, donnèrent à manger aux hommes épuisés, et les dirigèrent sous escorte sur Pretoria où les précédaient, emmenés dans des chariots, leur chef et leurs officiers, qui s’attendaient à être fusillés sur-le-champ et qui furent simplement internés à la prison, en attendant leur jugement.

Comment un pareil désastre avait-il sitôt terminé cette expédition ? comment ce pays qui n’a d’autre armée permanente qu’un corps de cent artilleurs avait-il pu si vite avoir assez de troupes pour écraser l’envahisseur ? Je pus me rendre compte de la manière dont se faisait la mobilisation des Boers en allant le 3 janvier à Pretoria, qui n’avait pas cessé d’être en communication par voie ferrée avec Johannesburg, dont 70 kilomètres la séparent Toute la journée les Boers ne cessèrent d’y arriver par petits groupes de trois, de cinq, de dix. Ils auraient fait piètre mine auprès des beaux cavaliers de Johannesburg. Montés sur leurs petits chevaux dont la vue me rappelait le bidet de d’Artagnan, coiffés de leur vieux chapeau de feutre, vêtus de leur pantalon et de leur veste de tous les jours, la cartouchière en écharpe, tenant d’une main le canon du fusil dont la crosse appuyait seulement sur la selle, ils ne s’appliquaient pas à se donner un air martial, mais semblaient aussi calmes que s’ils partaient en chasse. Ils avaient dû sauter en selle tels qu’ils étaient au reçu de l’ordre qui les appelait, emportant pour toute nourriture quelques lanières de bœuf desséchées, plus semblables à des morceaux de cuir qu’à de la viande, et, au trot de leurs infatigables rosses étaient venus se ranger sous les ordres des veldcornets transformés en capitaines. Bien que, de par la loi, ceux de 16 à 60 ans fussent seuls obligés de servir, j’ai pu voir maint patriarche plus âgé, et aussi quelques gamins d’une quinzaine d’années à peine. De temps en temps on voyait passer des groupes de trois hommes qui étaient manifestement le père, le fils et le petit-fils. D’autres fois défilaient des troupes plus considérables, comme les habitans du district de Middlebourg qui, arrivés en chemin de fer au nombre d’une centaine sur des trucks découverts, tenant leurs chevaux tout harnachés par la bride, les enfourchaient à la gare et entraient en ville, suivis d’autant de nègres menant en main un second cheval pour chacun d’eux. Tous ces gens, aussitôt leurs ordres reçus au sujet de l’endroit où ils devaient camper, allaient se promener à travers la ville, faire quelques emplettes dans les boutiques, ou voir le musée qui n’avait jamais reçu tant