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Mais le remboursement de la dette est tout autre chose. Déjà cette dette atteint, en principal et non compris les intérêts, de 120 à 140 millions selon les compagnies. Quand l’appel à la garantie cessera, elle atteindra au moins 150 à 200 millions pour les compagnies les moins endettées, le double pour les autres. Rien que pour payer l’intérêt annuel au taux de 4 pour 100, inscrit dans les conventions, et pour cesser de voir grossir leur dette, il faudrait que les compagnies pussent verser chaque année, au Trésor, des excédens atteignant 6 à 8 millions pour les unes, 12 à 15 millions pour les autres. Ce n’est que quand ce chiffre sera dépassé. que l’excédent viendra en déduction, d’abord des intérêts arriérés, et ensuite seulement du capital. Dans de pareilles conditions, le remboursement intégral de la dette peut être considéré comme probable pour la compagnie de Lyon, comme très possible pour celle d’Orléans ; il est d’ores et déjà peu vraisemblable pour les trois autres. Il pourrait être considéré comme impossible, si l’on ne tenait pas compte de l’éventualité des conversions obligatoires ou facultatives, et des disponibilités que laissera, dans les dernières années des concessions, l’amortissement complet de certaines séries d’obligations, disponibilités qui montent à 155 millions pour l’Est et le Midi, et à 313 millions pour l’ouest.

Un intérêt public de premier ordre s’attache à ce que le remboursement, déjà fort douteux, ne devienne pas impossible, car la situation d’une compagnie dont tous les bénéfices seraient affectés à atténuer sa dette envers l’État, sans aucun espoir de l’acquitter, serait singulièrement défavorable. Si l’on veut que les compagnies travaillent avec zèle pour le Trésor, il faut qu’elles travaillent en même temps pour elles-mêmes, dans une certaine mesure. S’il venait à être démontré qu’avec les contrats actuels, l’insolvabilité des compagnies est inévitable, la révision de ces contrats s’imposerait.

Cette révision est fort difficile, parce qu’aujourd’hui les actions des compagnies se classent comme des valeurs à revenu fixe, et les actionnaires attachent bien plus de prix à ne rien compromettre de leur dividende actuel qu’à obtenir l’espoir de l’augmenter. Il nous semblerait néanmoins possible, quand une compagnie entrevoit le moment où elle cessera d’avoir recours aux avances de l’État, d’obtenir qu’elle renonce, jusque-là, à la faculté de recourir à ces avances pour une fraction des déficits annuels, à la condition que, quand il y aura des excédens, une fraction égale lui appartiendra, le surplus étant seul affecté au remboursement de l’État. Pour les grandes comme pour les petites compagnies, la révision des contrats ne pourra jamais atténuer directement,