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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/129

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économique, il est vrai, mais capable de corroborer puissamment l’efficacité d’un autre genre d’association de plus grande envergure, et cela devient déjà plus curieux à savoir. Mais si, dans l’engouement parfois irréfléchi pour cette œuvre, si, dans cette éclosion spontanée, depuis la loi du 1er avril 1898, d’une quantité importante de sociétés de secours mutuels de toute origine, surgies au hasard sur tous les points du territoire pour des motifs qui souvent n’ont rien d’économique, ni d’humanitaire, mais sont parfois d’ordre politique, religieux ou simplement futile, nous nous efforçons de discerner la direction à donner à un mouvement prenant aujourd’hui l’enfant sur les bancs de l’école, nous aurons, pensons-nous, fait œuvre utile. Il ne suffit pas de pousser à tort et à travers à la multiplication, sans réflexion ni limite, du plus grand nombre possible de sociétés de ce genre, sans s’occuper du lendemain ; sans penser que beaucoup de ces associations ne seront pas viables ; sans songer que les capitaux versés dans leurs caisses, ou, en leur nom, dans les caisses de l’État, resteront improductifs pour les principaux intéressés. Il importe, avant toute chose, d’examiner si ce mouvement n’est pas capable de nuire au développement d’autres institutions parmi lesquelles nous placerons au premier rang les associations professionnelles qui doivent servir de base à l’organisation du travail. Parlant des sociétés de secours mutuels, un spécialiste dans la matière, M. Barberet, écrivait : « Nous ne blâmerions pas cette prévoyance si les ressources de l’ouvrier le permettaient. Mais, s’il verse à la société de secours mutuels, il est incapable de verser une seconde cotisation au syndicat. Et, puisqu’il est prouvé qu’en entreprenant deux choses à la fois, les ouvriers ne peuvent faire prospérer l’une sans négliger l’autre, il devient raisonnable de n’entreprendre que l’œuvre la plus utile. Or, la plus utile, celle dont il faut s’occuper sans relâche, quitte à laisser tomber les autres questions économiques pendantes, c’est l’organisation du travail. »

N’est-il pas audacieux de prétendre que l’avenir est à la mutualité seule, terme vague, système flottant et mal défini dans lequel viendront s’entre-choquer des forces contraires au fur et à mesure que les sociétés de secours mutuels auront restreint leur champ d’action et seront conduites à se faire concurrence les unes aux autres ? C’est en nous efforçant de canaliser les courans mutualistes, comme nous allons essayer de l’indiquer, que nous