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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 16.djvu/484

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soudre la Chambre : le roi n’y avait pas consenti. À peine arrivé au pouvoir, M. Théotokis a vu se dresser devant lui une question redoutable, celle des raisins de Corinthe. L’opinion publique aveuglée veut, impose, exige que les raisins de Corinthe soient défendus par un monopole. Elle s’imagine que, cette réforme une fois faite, la richesse se répandra sur le pays et remettra ses finances à flot. Nous ignorons ce que M. Théotokis en pense personnellement ; mais il s’est trouvé en présence d’une très grosse difficulté, l’Angleterre ayant annoncé que, si le monopole des raisins secs était établi, elle dénoncerait aussitôt son traité de commerce avec la Grèce. M. Théotokis, sans le dire formellement, a fait entendre qu’il laisserait tomber le projet : aussitôt un soulèvement formidable s’est produit contre lui, non seulement dans les villes, mais dans les campagnes, au cri mille fois répété de : « Vive le monopole ! » Des actes de violence ont eu lieu, la poudre a parlé, et le danger est devenu si pressant que M. Théotokis a voulu établir l’état de siège et a demandé au roi toute licence de réprimer par la force l’insurrection qui commençait à gronder. Cette fois encore, le roi n’a pas voulu ; il a préféré accepter la démission de M. Théotokis.

Ni M. Delyannis, ni M. Théotokis, n’ayant la majorité dans la Chambre, le roi, ne voulant pas la dissoudre, a fait appeler M. Ralli. Celui-ci cherche à faire un ministère Delyannis, sans M. Delyannis, et avec le concours de M. Deligeorgis, qui dispose d’un certain nombre de voix. D’après les dernières nouvelles, il s’en faut de beaucoup que les choses marchent conformément à ses désirs. Tous ceux à qui il s’adresse émettent des prétentions exagérées, qui consistent généralement à vouloir lui imposer leur propre politique, et même leur clientèle. Si M. Ralli accepte, il sera ministre de nom, mais un autre le sera de fait, et cet autre, qui sera M. Delyannis, n’aura d’autre préoccupation que de le remplacer. On peut se demander si le roi a été bien inspiré en refusant la dissolution. Sans doute, il est dangereux de faire des élections au milieu de l’effervescence des esprits ; les commencemens d’émeutes qui viennent de se produire montrent à quel point le pays est troublé ; les appréhensions sont donc très naturelles. Mais le désarroi du gouvernement augmente encore l’anarchie qui menace de se répandre partout. Pour faire un ministère, il faut une majorité ; or la Chambre est partagée en deux fractions sensiblement égales ; il n’y a que deux ou trois voix de différence. M. Delyannis pousse toujours à la dissolution, qu’il regarde comme la solution nécessaire, et se prête mal à toute autre combinaison. Peut-être sera-t-on obligé