Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la rémunération de ses pasteurs[1] ; — on s’expliquera que, dans des conversations particulières de 1628, Richelieu pût émettre l’idée qu’il faudrait peu d’années à l’hérésie pour mourir, en France, de sa belle mort[2] ; — on s’expliquera que, dans des occasions solennelles (comme, en 1637, au synode national d’Alençon), les représentans du pouvoir osassent dénoncer aux protestans, avec une brutalité insultante, leur impuissance[3] et leurs divisions : — on ne s’expliquera pas que la Compagnie du Saint-Sacrement, composée d’hommes informés et réfléchis, ait cru devoir, ne fût-ce qu’au point de vue de l’intérêt catholique, instituer, contre un ennemi qui se trouvait si mal d’une paix débilitante, une guerre superflue[4].

Diminuée et affaiblie par les événemens politiques, cette minorité protestante provoquait-elle du moins la persécution par un mécontentement insubordonné et une rancune irréconciliable ? Il y avait beau temps que les ardeurs batailleuses des protestans étaient tombées. Dès l’année 1621[5], le déclin en est sensible pour les observateurs attentifs. En 1625[6], il se marquait encore, et, en 1629, on sait quelle peine eut Henri de Rohan à recruter des soldats[7], pour cette dernière prise d’armes où lui-même, peut-être, ne s’engageait qu’à contre-cœur. Ce n’était pas seulement de la tiédeur qu’il rencontrait, c’était des résistances fortes et motivées, et cela, en plein Languedoc, même à Castres, sa résidence habituelle, même chez des protestans sincères et, quoi qu’on en ait dit, irréprochables, comme Auguste Galland[8]. Il n’y avait pas trop d’exagération à dire dès lors, que même dans des villes qui, naguère, étaient les citadelles du parti, « un enfant venant de la part du Roi les eût gouvernés à son plaisir[9]. » La répression de 1629 n’avait

  1. Bulletin de la Société du Protestantisme français, t. IV, 505, 508, 588, 593 ; Inventaire des Archives communales de Nîmes, série II, 1 (3e partie) ; et dans Aymon Synode national de Charenton 1631, ch. XVII n° VII ; ch. XXVI, art. V, et Synode national d’Alençon, 1637, ch. XXII, p. 417-419
  2. Fagniez, I, 428-429.
  3. Aymon, Synodes nationaux, t. II, p. 535.
  4. « Les catholiques n’ont pas d’animosité contre les Réformés, affirme le pasteur converti Boulle (Essay de l’Histoire générale des Protestans, 1646), ils ont le dessus du vent,... et ils les estiment plutôt objet de pitié que d’indignation. »
  5. G. Hanotaux, Revue du 1er février 1902, t. I, p. 484, 485, 502, 504.
  6. Baird, ouvrage cité, t. 1, p. 254 ; Fagniez, 1, 417.
  7. Voyez par exemple. Bulletin du Protestantisme français, t. XIII, p. 146.
  8. Haag et Bordier, France protestante, t. VI, p. 806 ; Fagniez, ouvrage cité, I, 417.
  9. P. Gachon, les États du Languedoc et l’Edit de Béziers, p. 243