Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

probablement que naît en France, au détriment des Réformés, et que vient se greffer sur les griefs religieux cette jalousie industrielle et commerciale qui devait plus tard, — comme on l’a naguère fort bien montré[1], — encourager le gouvernement de Louis XIV à la révocation de l’Édit d’Henri IV. Peut-être est-ce de cette époque que date l’expression populaire : « Riche comme un huguenot, » plus envieuse assurément qu’admiratrice. Et sans doute on pourrait, après 1629, rencontrer encore, ici et là, à propos d’une invasion ennemie, d’un grand incendie, d’un pont qui s’écroule, ces accusations contre les protestans, que les historiens relèvent entre 1610 et 1624, ces « placards » odieux contre des mécréans « d’où venait tout le mal » et toute colère de Dieu. Au moins cette malveillance durable continuait-elle de se révéler par des mesures locales significatives : en bien des endroits, entre 1629 et 1640, on exclut les huguenots des municipalités ; on n’en veut pas, ne fût-ce que pour les plus chétifs emplois de ville ou de village ; certaines « assemblées de ville, » à Poitiers par exemple, se refusent à recevoir des protestans aux maîtrises des moindres métiers, et, dociles à ces impulsions d’en bas, les « petites justices » se montraient, dans l’exécution de l’Edit de Nantes, beaucoup plus partiales que le Conseil du Roi[2].

Tout cela est vrai, mais, outre que, dans les documens actuellement connus, les « émotions » populaires contre les Réformés ne se rencontrent pas fréquentes, il est sûr qu’à ces animosités plébéiennes, brutales et cupides, la Compagnie du Saint-Sacrement n’était pas obligée de complaire. Ce n’étaient pas des inconsciens, des illettrés, ces grands seigneurs, ces doctes laïques, ces diplomates, ces magistrats[3], groupés à l’appel du duc de Ventadour et du P. Philippe d’Angoumois. D’autant que, pour être pacifiques, il ne leur fallait rien innover. Ils n’avaient qu’à suivre d’autres exemples, plus dignes d’eux et plus voisins.

Celui d’abord, de cette « société polie » et « précieuse » dont il est permis de railler les minutieux soucis de « politesse, » à la condition de reconnaître que cette éducation formelle eut quelque temps un excellent effet social. Les efforts, solidaires en

  1. Paul Gachon, Quelques préliminaires de la Révocation en Languedoc p. 142 et suivantes.
  2. Voir, dans Aymon, les réclamations du Synode de Charenton de 1631 ; Élie Benoît, t. II, p. 521 ; Lièvre, ouvrage cité, II, 89 ; D’Avenel, ouvrage et passages cités.
  3. Voyez le livre de M. R. Allier, ch. II, spécialement p. 38 et 39.