Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— s’était si fort calmé qu’on jugea bon de lui envoyer, en 1638, un coadjuteur, Pierre de Bertier, pour empêcher « l’hérésie de fleurir » sous ce prélat trop indulgent. Au surplus, même en corps et officiellement, je l’ai dit, le clergé ne s’opposait point à l’état de choses nouveau. Dès 1598, — la chose vaut d’être une fois de plus rappelée, — il n’avait pas réclamé, ainsi que le fit la magistrature, contre l’Édit de Nantes[1], et si, en 1614, il s’enhardit à demander « la suppression du culte protestant, » ce fut pour la forme, si l’on peut dire. Il céda aussitôt, et très sagement, bornant ses prétentions à ce « qu’on ne permît aux prétendus réformés rien de plus qu’au décès de Henri IV, » il s’en remettait au Roi de régler par un édit les rapports entre les catholiques et les protestans, afin, — les paroles sont notables, — qu’ils puissent vivre en paix, union et tranquillité, sans entreprendre les uns sur les autres, sans appréhension, envie ni jalousie. » Encore vingt-deux ans plus tard, en 1636, à cette Assemblée générale du Clergé où, déjà peut-être, les instigations souterraines de la Compagnie du Saint-Sacrement commencèrent d’opérer, même alors le vent continuait tellement de souffler à la modération, que, jusque dans une harangue assez « perfide » contre les huguenots, l’évêque d’Orléans, Nicolas de Netz, croyait devoir reconnaître[2] que « l’ordre ecclésiastique n’avait pas été plus fâché (que la Noblesse et le Tiers) de voir le Roi tenter, par de doux remèdes, la guérison des réformés et remplacer les bûchers du siècle passé par des lumières pures et innocentes. » Ces « lumières, » il est vrai, le clergé français séculier ne se pressait pas de les prodiguer aux dévoyés. Mais c’est encore une preuve de sa disposition, je ne dis pas à désarmer sans esprit de revanche, mais à subir sans chagrin une trêve prolongée, que cet attiédissement de la controverse[3], si sensible entre 1620 et 1660. Au grand scandale de Saint-Cyran et des Jansénistes, on abandonnait soit à des moines, soit même à des laïques de bonne volonté, — merciers, cordonniers, tailleurs, qui s’improvisaient prédicans et couraient les carrefours, — la besogne et le nom dédaignés de « convertisseur, » et les religieux qui s’y livraient étaient eux-mêmes assez discrédités. Tout ce que faisaient

  1. G. Picot, ouvrage cité, t. IV, p. 383 et suivantes ; Bonet-Maury, Histoire de la liberté de conscience, p. 16 et suivantes.
  2. Élie Benoit, t. II, p. 553.
  3. Bossuet historien du Protestantisme, liv. I, ch. I, p. 13 et suiv. Cf. Allier, p. 260.