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du printemps dernier, le programme des réformes que la Russie et l’Autriche ont imposées à la Porte, avec l’appui diplomatique des autres puissances. L’impression générale a été alors que ce programme était très anodin, et qu’il n’arrêterait pas longtemps les impatiences de la révolution macédonienne ; mais qu’il valait mieux que rien, et que, s’n était loyalement exécuté, il pourrait aider à traverser la crise actuelle avec moins de dolences. Le programme contenait un certain nombre de réformes, dont les principales se rapportaient à la perception des impôts. On avait songé à donner à la Macédoine une sorte d’autonomie fiscale, en ce sens que les impôts qu’elle payait seraient employés au fonctionnement de ses services administratifs, à l’exception d’un prélèvement destiné à la Porte. Les consuls des puissances devaient surveiller l’exécution du régime nouveau. Mais qu’a-t-on fait pour réaliser ces belles promesses ? Absolument rien. Aujourd’hui, c’est-à-dire au lendemain de la récolte, la situation est la même qu’auparavant, et les malheureux paysans macédoniens se sentent exposés, ou plutôt condamnés aux exactions dont ils ont une cruelle habitude. Si quelque chose a contribué à l’insurrection, en préparant aux révolutionnaires un terrain favorable, assurément c’est cela.

Une fois encore on a pu constater que le Sultan était d’autant plus empressé à donner sa parole qu’il était mieux décidé à ne pas la tenir. Nous reconnaissons les difficultés de la situation, même pour lui : il s’en faut de beaucoup qu’il puisse faire tout ce qu’il voudrait ; mais encore faudrait-il qu’il voulût sérieusement faire quelque chose. Dans un édifice aussi vermoulu et pourri que celui de son empire, les moindres réparations sont dangereuses ; pourtant elles sont nécessaires, et il en est quelques-unes qui sont particulièrement urgentes. On ne saurait reprocher à l’Autriche et à la Russie d’en avoir démesurément grossi le programme. Elles n’ont pas demandé beaucoup ; on ne leur a rien donné. Leurs consuls ont fait des enquêtes, notamment dans le vilayet de Kossovo : qu’en est-il résulté ? L’arrestation des paysans qui leur avaient dénoncé les cruautés ou les pillages des Turcs. Les rares fonctionnaires qui essayaient de prendre les réformes au sérieux étaient aussitôt cassés aux gages, et l’inspecteur général Hilmi-pacha, qu’on ne pouvait pas traiter de la même manière, se sentait impuissant. Telle était, telle est encore la situation en Macédoine. Il était donc naturel que la Russie, mise en demeure d’assumer une initiative énergique après le double assassinat de ses consuls, ne se bornât pas à exiger la punition de quelques