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peut prendre les chemins de la Transcaucasie communiquant avec les plaines sarmates par les « portes » du Caucase. Jadis, par cet isthme médique resserré entre le bassin de l’Euphrate et la Caspienne, s’accomplissaient les grandes migrations d’hommes et d’idées. Le mouvement qui emportait les peuples de races diverses à traverser le plateau de l’Iran s’est arrêté depuis des siècles, mais l’isolement actuel ne saurait durer. Avec la révolution économique qui raccourcit les distances, rapproche les peuples, rapetisse la planète, ce pays ne saurait rester bien longtemps à l’écart du progrès qui entraîne le monde. La Perse est tenue, sinon de redevenir la grande route aryenne, comme aux anciens âges, du moins de se rattacher au réseau de communications qui contournent son territoire, et tout permet de supposer que le jour n’est pas éloigné où ce rattachement aura lieu. Le prolongement du chemin de fer russe d’Erivan à Bouchire ou Bender-Abbas, et le prolongement de la ligne anglaise de Quettah vers l’Anatolie vont faire cesser cet isolement. La première ligne traverse la Perse du nord au sud, par Djoulfa et Schiraz, et en mettant le littoral persique en relation avec la région du Caucase, ouvre aux marchandises, russes l’accès de l’Océan Indien ; la seconde traverse la Perse de l’est à l’ouest et, en reliant Bagdad à Kurrachee et à Bombay, ouvre aux produits de l’Inde les marchés européens. Ainsi, par la construction de ces lignes de chemins de fer, l’intérêt de la Russie, qui est d’avoir un accès vers les mers chaudes, et l’intérêt de l’Angleterre, qui est de pouvoir écouler par voie terrestre les produits de l’Inde sur les marchés européens, recevront également satisfaction. L’ouverture de ces lignes ne sera point seulement avantageuse au commerce russe et au commerce anglais ; elle fera du plateau de l’Iran le lieu de passage préféré des hommes d’Europe se rendant aux Indes, car par la Perse passe le chemin le plus direct qui va de Londres, de Vienne, de Paris, de Berlin, de Saint-Pétersbourg au golfe Persique et dans le bassin de l’Indus et du Gange, et c’est sur le territoire persan que se trouve le point de convergence et de concentration des lignes transcaucasienne, transcaspienne et transpersane qui mettront en communication, par une ligne de fer ininterrompue, l’Europe et l’Asie, et feront de la Perse le grand carrefour des nations.