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fixe. Ils disent qu’il est gaspilleur, imprévoyant, incapable d’épargne, en somme un citoyen de peu de prix. Dans les basses terres le long de la côte, là où la population est pour ainsi dire entièrement noire, le nègre risque de retomber à l’état barbare. Dans tel centre commercial de la Caroline du Nord où les trois quarts des habitans sont nègres, c’est le quart blanc qui paie 97 pour 100 de l’impôt municipal. De plus, ce nègre si fainéant est sans cesse en contravention avec la loi. Dans les prisons du Sud, 70 pour 100 des détenus sont des gens de couleur. Enfin ce dernier obstacle plus sérieux que tous les autres s’oppose aux progrès industriels de la race noire : depuis une trentaine d’années, les nègres obtiennent de plus en plus aisément la liberté d’acheter l’alcool, les spiritueux et, d’autre part, on leur prodigue l’instruction. Leurs cerveaux de primitifs n’étaient pas plus en état de résister à l’excès de savoir qu’à l’excès de boisson. La conséquence est la multiplicité des cas de folie.

Les difficultés de vie qui naissent de la rigueur des hivers septentrionaux, de la suprématie absolue des blancs dans le Nord, des concurrences industrielles, confinent le noir dans les régions chaudes des États-Unis où il parvient à subsister avec un minimum d’effort. Donc, les trois quarts de la population totale des noirs sont concentrés dans les États du Sud. Il y a plus de cent comtés où l’on trouve deux ou trois noirs pour un blanc. Dans l’Etat de Mississipi seul, on compte plus de nègres que dans toute la Nouvelle-Angleterre. Il y en a dans l’Alabama, plus que dans les trente et un États du Nord et de l’Ouest.

Partout où les nègres sont en minorité, cette minorité décroît. Le problème se résout donc, au Nord dans la formule de cette loi naturelle : le triomphe des plus forts. Dans le Sud, où il semble que les noirs sont en majorité il convient de comparer les chiffres actuels de population aux statistiques anciennes si l’on veut se former une idée exacte de la situation respective des deux élémens : en 1790, les nègres représentaient environ 19 pour 100 de la population totale des États-Unis ; aujourd’hui ils ne sont plus que 11 pour 100. Il faut remarquer d’ailleurs que, entre tous les immigrans de diverses origines qui ont été attirés aux États-Unis, le nègre est le seul que l’on ait importé sur ce sol et qui n’ait pas été poussé par un élan de volonté personnelle, un espoir de faire fortune ou d’acquérir de la liberté.

Avant la guerre, il était soumis à un régime anti-démocratique.