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des classes pauvres avec les drôleries des charlatans et comédiens ambulans du marché de Valenciennes. » Plus tard, « les quadrilles du Théâtre Italien se sont résolus dans les Parades de la foire de Saint-Germain. » Et enfin, dans son ensemble, la peinture de Watteau « ne nous suggère pas seulement de douces visions, comme celle de Fragonard, mais nous ouvre encore des pages d’histoire, et, à la manière de parfaits tableaux vivans, nous instruit en même temps qu’elle nous fascine. »

Car Watteau, d’après M. Staley, a peint d’innombrables portraits. Sur le dos de l’un d’eux, représentant « l’abbé de la Roque, » on lit, écrit à l’encre : « Dessein que Watteau a laissé en mourant à moy, bon ami. — Caylus. » Un autre portrait représente « M. Antoine de la Roque, directeur de La Mercure » : celui-là est « finement exécuté, avec la perruque peinte d’une brosse délicate. » Un autre portrait, qui est « un délicieux morceau de satire », représente le « roi Louis XV en pèlerin. » On y voit « Sa Majesté assise dans le jardin de l’Hôtel Parabère, avec la ravissante marquise et quelques-unes de ses dames groupées autour du siège royal. » Louis XV, dans ce curieux portrait, serait vêtu « d’un manteau rouge. » Et il y a encore un autre tableau « satirique » de Watteau, qui représente Louis XIV mettant le cordon bleu à Monsieur de Bourgogne. Que si, cependant, M. Staley prenait un jour la peine de visiter Versailles, il y verrait une copie de ce tableau de Watteau, qui suffirait à le renseigner sur son caractère « satirique. » Et nous regrettons, d’autre part, qu’il ait négligé de nous dire où se trouve le portrait « satirique, » par Watteau, de Louis XV en manteau rouge ; où se trouve le portrait du « directeur de La Mercure, » avec « sa perruque peinte d’une brosse délicate ; » où se trouve un portrait de Watteau par lui-même, dont il nous dit qu’il est « le plus beau de tous, » en ajoutant qu’il appartient aujourd’hui à « l’Académie ; » où se trouvent Les Quatre Saisons, peintes jadis dans l’hôtel de Crozat, et qu’il nous recommande comme le chef-d’œuvre du peintre ; où se trouvent, en général, presque tous les tableaux qu’il décrit, et qu’il loue, tandis que les uns n’ont certainement jamais existé et qu’on s’accorde ici à considérer les autres comme irrémédiablement disparus.

« Chez Gersaint, Watteau fit son propre portrait à l’huile. Ce portrait est petit, mais bien caractéristique de la nature capricieuse et changeante du peintre. Il pourrait bien avoir été peint pour Rosalba Carriera. » Hélas ! comment parvenir à le voir, « chez Gersaint, » ce précieux portrait ? Et comment parvenir à comprendre des renseignemens