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et que la Chine a possédé, tant qu’elle eut à soutenir la longue série de luttes que demanda l’établissement de sa domination sur les petits États aux dépens desquels l’Empire se fonda. Lorsque l’accroissement rapide de sa population fit à la Chine une inéluctable nécessité de trouver dans le travail de la terre la subsistance commune, ses législateurs s’attachèrent, avec raison, à fixer l’habitant au sol, à lui inculquer l’amour de l’agriculture, à lui faire perdre le goût des aventures et à détruire par tous les moyens cet instinct guerrier auquel la Chine était, il est vrai, redevable de sa première prospérité et de sa grandeur, mais qui, dans la voie des aspirations civilisatrices et intellectuelles où ses lettrés l’avaient engagée, lui paraissait un vestige de la barbarie des tribus primitives et, en quelque sorte, un encouragement, pour ceux qu’animait cet instinct, à un retour à l’existence nomade, plus facile, de ces tribus.

Cet instinct guerrier n’existait point non plus, naguère, à un haut degré, dans la population japonaise, avec laquelle on compare fréquemment la race chinoise, lorsque l’on recherche les causes des progrès immenses accomplis par les îles du Soleil Levant dans l’organisation de leur armée, et celle de la lente transformation avec laquelle on procède, en Chine, à cette organisation. Au Japon, en effet, le métier des armes était, jusqu’au milieu du siècle qui vient de finir, le privilège exclusif de la caste des « Samouraïs » ou « Nobles, » — nos seigneurs féodaux du moyen âge, — et des hommes d’armes qu’ils levaient sur leurs terres. Dans ces conditions, si, loin d’être un objet de mépris, comme en Chine, le guerrier y était respecté, d’autre part, le paysan japonais comme l’artisan, spécialisés chacun dans son métier, — qui formaient la presque-totalité de la population, — n’avaient point, cependant, naguère encore, un goût bien vif pour le service militaire : la loi de la conscription y fut considérée, en effet, comme un lourd sacrifice par le plus grand nombre, et c’est l’exemple donné par leurs Samouraïs, qui briguèrent l’honneur de commander les troupes nouvelles, et, encore plus, le retentissement produit par les premières victoires sur l’armée chinoise, qui amenèrent un changement dans les dispositions d’esprit de la nation et procurèrent à l’armée japonaise le prestige et la popularité dont elle jouit aujourd’hui.

En Chine, tout a été fait, au contraire, on le sait, pour extirper à jamais cet instinct guerrier. Pour permettre au