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« Il faut que nous soyons convaincus que, si grandes que soient les ressources de la France, il est absolument impossible de poursuivre tout à la fois une politique militaire qui nous permette d’équilibrer nos forces avec celles de nos rivaux sur le continent, une politique maritime qui nous permette de tenir tête à ceux qui sont les maîtres de la mer, une politique coloniale qui, en s’étendant sans cesse, augmente chaque jour le chiffre des dépenses... Si vous vous laissez entraîner à des augmentations continuelles de crédits, comme le Parlement l’a fait dans la dernière législature quand il a proclamé le programme naval et celui de la défense des colonies au delà des demandes du gouvernement, vous serez exposés à manquer de ressources pour d’autres dépenses nécessaires. Après que vous aurez porté votre effort sur la guerre, la marine, les colonies, le budget vous apparaîtra encore sous son autre aspect, l’aspect pacifique et fécond ; et vous aurez à songer aux travaux publics, à l’instruction publique. Quelles que soient nos ressources, si nobles que soient les aspirations qui nous entraînent dans la voie féconde que je viens d’indiquer, il est chimérique de penser qu’aucun pays, aucun peuple, aucune puissance puisse à la fois poursuivre financièrement autant de buts si divers et, j’ose dire, si peu cohérens... Vouloir tout faire, tout aborder à la fois, ce serait préparer une situation dont, quelle que soit notre puissance financière, quelque grandes que soient les ressources de notre nation, il nous serait impossible de sortir ; ce serait briser d’avance tout effort en vue de reconquérir pour nos finances l’élasticité que notre premier devoir est de leur rendre. »

Ces déclarations devraient marquer le point de départ d’une évolution dans la gestion de nos finances. Ce n’est pas en établissant de nouveaux impôts que nous leur rendrons l’élasticité que le ministre a bien raison de considérer comme nécessaire. C’est du côté des dépenses que notre attention doit se porter. Le rapporteur général du budget au Sénat a tracé un commencement de programme. M. Ribot a montré qu’il était encore plus important d’avoir des réserves économiques que de tendre jusqu’à 1 extrême limite des préparatifs militaires, mal en rapport avec l’exiguïté relative de notre population ; le ministre s’est implicitement rallié à ces déclarations : c’est au Parlement à prendre les mesures qui traduiront et appliqueront ces idées.