Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compagnons d’armes, et il est parti cette nuit avec le comte de Damas que j’ai pensé qui lui serait bien plus nécessaire à l’armée qu’à son frère qui reste ici entre l’abbé Marie et moi. Cette séparation des deux frères a cruellement amorti la joie que m’avait causée leur réunion dans mes bras. J’ai demandé, que ma nièce restât à Prague pour lui épargner l’aspect des républicains et je crois qu’il est temps de songer plus sérieusement que jamais au mariage. Vous sentez bien que j’ai dû rompre le voyage de mon neveu auprès d’elle. »

Ainsi, non seulement, l’occasion de reparaître à l’armée qu’avait si vivement souhaitée le Duc d’Angoulême lui échappait ; mais encore, il était privé du bonheur de revoir sa cousine. Si ce fut une déception pour lui, ce n’en fut pas une pour elle ; elle n’avait pas été prévenue de la visite dont le Roi voulait lui faire la surprise ; on eut soin de ne lui en pas parler. En revanche, le Roi lui exprima le désir de la voir résider à Prague, plutôt qu’à Vienne où la conclusion de la paix allait rouvrir aux diplomates français la ville et la Cour :

« Ma tendresse pour vous m’a sur-le-champ fait penser à votre position. Je pense qu’il serait aussi inconvenant en soi-même que douloureux pour vous de vous trouver à Vienne, au moment où ceux qui, s’ils ne sont pas les meurtriers de vos parens, sont au moins leurs agens, vont pour la première fois y être publiquement admis. En conséquence, je fais demander à l’Empereur de vous laisser, jusqu’à ce que votre sort futur puisse être réglé, à Prague, auprès de Mme l’archiduchesse Marianne, et je lui fais cette demande d’autant plus volontiers que je sais combien cette vertueuse princesse mérite votre tendresse par celle qu’elle a pour vous et par toutes ses belles qualités. Je crois que vous ne pouvez mieux faire que d’appuyer cette demande, et je vous y invite ; je n’ose pas, avant que l’Empereur se soit décidé, écrire à Mme l’archiduchesse Marianne pour lui demander de nouveau son amitié pour vous : mais comme vous lui communiquerez sûrement cette idée, je vous prie de lui dire que ce sera un grand bonheur pour moi de vous savoir auprès d’elle, et de lui parler de tous les sentimens qu’elle m’inspire. »

On a vu, une première fois, Madame Royale n’être pas de l’avis de son oncle, refuser d’écrire à l’abbé Edgeworth une lettre destinée à être répandue en France, et dire au Roi, en toute franchise, pour quelles raisons elle ne croyait pas devoir souscrire à son