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étape de l’escadre française aux États-Unis ; la seconde s’appelle Newport ; la troisième, Boston.


IV

L’escadre de Howe, qui était au mouillage devant New-York, était sensiblement moins nombreuse que l’escadre française : neuf vaisseaux contre douze, dont six de soixante-quatre canons et trois de cinquante ; mais elle disposait de plusieurs avantages : plus d’homogénéité, des équipages en meilleur état, et surtout le bénéfice d’une position défensive dans un mouillage que son chef connaissait à merveille.

D’Estaing craignit de s’engager sans pilotes dans les passes de la baie de New-York ; quelques-uns de ses vaisseaux, comme le Languedoc et le César, avaient un grand tirant d’eau. Il commença par jeter l’ancre à la hauteur de la rivière de Shrewsbury, entre la pointe de Sandy Hook, au nord, et, au sud, la plage de bains de mer, très fréquentée aujourd’hui, de Long Branch. De là, il surveillait toute l’entrée de la rade de New-York. Howe était enfermé dans la souricière ; il s’agissait maintenant d’aller l’y saisir.

L’amiral avait envoyé à terre, auprès de Washington, un officier de confiance, M. de Choin, major d’infanterie, pour obtenir le ravitaillement de l’escadre en eau et l’envoi de pilotes bien au courant des passes de New-York. Tandis qu’il attendait une réponse, il reçut cette lettre d’un correspondant qui lui écrivait pour la première fois :


« Au camp, près de Paramus, ce 14 juillet 1778.

« C’est avec un bien vif plaisir, monsieur le comte, que j’apprends l’arrivée d’une flotte française sur les côtes d’Amérique. Je n’en ai pas moins à savoir que vous la commandez, et ce dernier m’en fournit un bien plus grand encore, celui d’apprendre la nouvelle d’une victoire plus intéressante, je crois, dans cette conjoncture que jamais victoire n’a pu l’être. J’aime à penser que vous porterez les premiers coups sur une insolente nation, parce que je sais que vous appréciez le plaisir de l’humilier et que vous la connaissez assez pour la haïr. J’ai l’honneur de vous appartenir par ce sentiment aussi bien que par les liens du sang et par notre titre commun d’Auvergnat, et il n’y a pas