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Protégeant votre teint, pâle sous la mantille,
Et délicat,
Vous savouriez dans les vergers la grenadille
Et l’avocat.

En rêve, sous les transparentes moustiquaires
Vous revoyiez
Le vieil aïeul voguant vers l’or des îles claires
Sur ses voiliers

Les papillons étaient plus grands que votre bouche,
Et que les fleurs
Qu’illuminait le vol du rapide oiseau-mouche
Tout en lueurs.

La nuit se parfumait d’astres et de corolles,
Et, peu à peu,
Vous regardiez s’ouvrir au ciel, belles créoles !
Des fleurs de feu.

Ah ! songiez-vous alors, nocturnes et vivantes,
Qu’un temps viendrait
Où rien de vos beautés aux grâces indolentes
Ne resterait ?

De tout ce qui fut vous, nulle petite trace
N’a subsisté,
Pas même un pauvre toit sous lequel votre race
Ait habité.

Tout est mort, ruiné, dispersé ; les allées
N’existent plus
Qui menaient aux maisons, en marbre frais dallées
Pour les pieds nus.

Par la grande liane et les forêts sauvages
Tout est repris !
Et les flots tièdes qui mirèrent vos visages
Se sont taris.