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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/355

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ESCALES AU JAPON
(1902)

TROISIÈME PARTIE[1]

12 février. — La neige, encore la neige, qui ne reste pas longtemps sur la terre, il est vrai, mais qui chaque jour, pour quelques heures, suffit à teinter de blanc les arbres, les maisons, les pagodes.

Ce soir, à la nuit tombante, dans la concession européenne, à 60 mètres de haut, je cheminais sur une belle route qui était blanche, qui était « poudrée à frimas » comme tous les objets alentour. On voyait de différens côtés se déployer les lointains des montagnes, les lointains de la mer chargée de navires de combat. Pas un souffle ; l’atmosphère à peine froide, tant elle était immobile. Un ciel bas et plombé ; les montagnes aussi, plombées ; toutes les choses terrestres figées sous les nuances de plomb et d’encre que donne le voisinage trop éclatant de la neige. Derrière moi cette ville, en voie d’étonnante transformation, allumait ses lanternes anciennes à côté de ses lampes électriques. Sur la rade, pareille à une grande glace incolore, les navires, posés comme des insectes noirs, allumaient leurs feux pour la nuit ; ils étaient immobiles, comme l’air et comme tout ; mais cela semblait une immobilité d’attente, on eût dit qu’ils se recueillaient pour des événemens prochains et des batailles ; tant de cuirassés, réunis en Extrême-Orient, tant de

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1904 et du 1er janvier.