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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/389

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En transmettant la nouvelle au maréchal de Castries, il ajoutait : « Mais le temps que prendront les articles qui restent encore à régler, m’empêche de vous dire quand se fera le mariage et ce n’est pas encore la plus grande contrariété que j’éprouve. L’évêque de Nancy me mande que l’Empereur voudra sûrement faire reconduire ma nièce à la frontière de ses États, comme elle est venue de France, c’est-à-dire uniquement par des Allemands, et comme les deux frontières impériales se touchent, je ne puis douter qu’ils ne la déposent entre les mains d’un commissaire envoyé pour cela de Pétersbourg, qui sera chargé de me l’amener ici. Ainsi je ne vois plus de possibilité à vous donner une mission que j’attachais tant de prix à voir remplir par vous. Je sens le regret que vous en aurez, mais je vous défie d’en avoir plus que moi. »

Dans cette distribution de témoignages de gratitude, il n’avait oublié ni le négociateur La Fare, ni Mme de Chanclos, dont la bonne grâce et le dévouement avaient gagné le cœur de Madame Royale. Il disait à Mme de Chanclos : « Si votre amitié pour ma nièce souffre de voir approcher le moment de votre séparation, il est impossible que cette même amitié ne vous fasse pas éprouver une véritable satisfaction en songeant au bonheur dont elle jouira avec un époux digne d’elle. » A l’évêque de Nancy, il rendait hommage « pour la conduite qu’il avait tenue dans cette importante affaire. La lettre de ma nièce m’a comblé de joie. Ah ! si ses parens vivaient, combien la leur serait vive ! Elle ne le serait pourtant pas plus que la mienne, car j’oserais défier leur tendresse de surpasser celle dont mon cœur est rempli pour cette adorable enfant. »

La lettre de Madame Royale à laquelle le Roi faisait allusion répondait à celle qu’il lui avait expédiée en apprenant que le Tsar consentait à prendre l’initiative de la négociation avec la Cour de Vienne :

« Jamais, ma chère enfant, lui écrivait-il alors, je n’ai mieux senti toute la tendresse vraiment paternelle dont mon cœur est rempli pour vous, qu’en vous écrivant aujourd’hui, jamais aussi je n’ai plus éprouvé le besoin de voir le vôtre y répondre par un sentiment pareil. Depuis que nos malheurs vous ont réduite à n’avoir plus d’autre père que moi, le soin de votre bonheur est devenu le premier de mes devoirs, et la plus chère de mes pensées. Vous portiez alors des fers et je ne pouvais les briser ! Un