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soumettre au Roi sa lettre en le priant de la joindre à la sienne. La longue durée des fiançailles, loin de ralentir les sentimens du prince, les avait excités, malgré sa froideur naturelle, — il n’avait pas vingt ans pour rien. — Pour la première fois, en les exprimant, il y mettait tant de chaleur, que le Roi en trouva la forme trop passionnée. Il supprima la lettre et fit comprendre à son neveu que, la négociation définitive étant en train, il convenait d’attendre pour écrire en ces termes qu’elle eût produit les résultats qu’on en espérait. Il expliqua lui-même à sa nièce les motifs de sa décision :

« Ne vous étonnez pas de ne pas recevoir aujourd’hui la lettre de mon neveu et ne vous en prenez qu’à moi. Il voulait vous exprimer tous les sentimens que son âme a peine à contenir ; je m’y suis opposé.

« Tout légitimes qu’ils sont, lui ai-je dit, ils pourraient en ce moment faire rougir celle que vous ne devez pas moins respecter qu’aimer. C’est à moi seul à être votre interprète. Mais, lorsque ma nièce, moins gênée vis-à-vis d’un père qu’elle ne le serait vis-à-vis de vous, m’aura répondu, je ne mettrai plus d’obstacle à votre juste empressement.

« Il n’a pas fallu moins que sa confiance et sa tendresse pour moi pour le faire céder à ces raisons. Mais, il a exigé de moi de vous dire que jamais sacrifice ne lui a tant coûté. »

Le 11 septembre, alors que le mariage était officiellement annoncé pour une date prochaine, quoique non encore fixée, il n’y avait plus lieu de maintenir l’interdiction.

« J’ai, comme vous le pensez bien, levé la défense que j’ai faite à mon neveu. Je ne vous par le point de l’excès de son bonheur ; son âme se peint tout entière dans la lettre qu’il vous écrit. J’ai essayé de vous tracer son caractère dans une de mes précédentes lettres ; il est temps que je cède au désir que j’ai de vous faire connaître aussi sa figure dont il ne doit vous rester qu’une idée confuse. Il y a longtemps que j’ai ce désir, et que je crois devoir le réprimer. Actuellement, je me reprocherais de ne pas m’y livrer. L’heureux terme où est l’affaire l’exige de moi. Je vais le faire peindre, et, dès que le portrait sera fini, je vous l’enverrai. »

De toutes les citations qui précèdent, on peut conclure qu’à Mitau, tout était à la joie. Rien de plus vrai, et cette joie eût été sans ombre si, dès ce moment, le Roi avait pu fixer le mariage à