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déjà, le Roi refusait de lui accorder des grâces, — cordon bleu et brevets, — destinées sans doute à reconnaître de nobles dévouemens, mais qu’il jugeait inopportunes. Récemment encore, une demande de « brevet de Dame pour accompagner » sollicitée par Monsieur en faveur de Mlle de La Blache, la fiancée du comte de Sombreuil fusillé au lendemain de Quiberon, n’avait pas été accueillie pour des motifs que le Roi résumait en ces termes :

« Dans notre position, je pense qu’on peut et qu’on doit accorder des récompenses, mais non pas des grâces. Si j’accordais ce brevet à Mlle de La Blache, quelle raison aurais-je pour ne pas l’accorder à cent autres peut-être, qui viendraient me le demander ? Le pauvre Sombreuil, me dites-vous. Cela aurait pu être vrai si, dans l’instant même de sa mort, cette grâce eût été demandée, parce que c’eût été alors, pour ainsi dire, jeter de l’eau bénite sur son cercueil. Mais deux ans après, ce n’est plus à ses mânes, c’est à Mlle de La Blache que je l’accorderais. Dès lors, voilà la planche faite. Une demande en attire une autre. Il faut ou mécontenter beaucoup de monde, ou faire une chose qui finirait par devenir ridicule. Il vaut donc mieux m’en tenir à ne point accorder de grâces de la Cour en ce moment, et à remettre à des temps plus heureux l’examen de toutes les demandes de ce genre. Je suis persuadé qu’en y réfléchissant bien, vous serez de mon avis. »

Mécontent de cette réponse, le Comte d’Artois avait dû se faire violence pour ne pas récriminer. Mais, en recevant maintenant la lettre de son frère où les mérites qu’il attribuait à ses protégées étaient si fortement discutés, il fut d’autant moins maître de soi que ces personnes, jadis liées avec la duchesse de Polignac, vivaient encore dans l’intimité de sa maîtresse, la comtesse de Polastron, et qu’il les considérait comme ses plus chères amies. Sous des formes d’ailleurs déférentes, il insista, ne craignant pas d’insinuer que la réponse du Roi s’était inspirée du peu de goût qu’il avait toujours eu pour les Polignac. Dépassant et dénaturant la pensée de son frère, il trouvait « barbare et impolitique d’opprimer ceux qui ont joui de la faveur de ceux qui nous ont précédés dans la carrière par la seule raison qu’ils en ont joui. » Les droits des personnes pour qui il plaidait, loin d’être affaiblis par le souvenir des faveurs dont Louis XVI les avait honorées, y devaient trouver aux yeux de Louis XVIII, déclarait-il, une force