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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/408

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beaucoup d’amitié. C’est un manque terrible pour moi ; c’était ma seule et unique société ; il ne se passait pas de jour où je ne la visse. Même jusque dans sa maladie, elle voulait que je vinsse passer un instant avec elle tous les jours. Il est affreux de voir périr une jeune personne de son âge dans une maladie si souffrante ; c’est une perte irréparable pour toute sa famille dont elle était adorée et pour moi-même aussi. »

Les consolations du Roi ne pouvaient faire défaut au désarroi moral que subissait sa nièce par suite de cette mort prématurée ; il les lui prodigua avec son effusion coutumière :

« Ce ne sont pas des inquiétudes que je viens vous témoigner, ma chère enfant, c’est une véritable douleur. L’amitié que vous aviez pour votre aimable cousine, celle qu’elle vous portait, et dont elle vous a jusqu’au dernier moment donné des preuves si touchantes, m’attachaient sincèrement à elle, et me la font regretter comme si j’avais pu juger par moi-même de tout ce qu’elle valait. Je connais trop cependant votre piété pour n’être pas sûr de la consolation que vous éprouvez, en songeant au bonheur dont une âme si pure doit jouir à présent. Après une telle pensée, que sont toutes celles de la terre ! Je vous prie pourtant de songer à ceux qui vous aiment. Sans mon neveu, je me nommerais le premier ; mais ce n’est qu’à lui seul que je puis et que je veux céder sur ce point[1]. »

La mort de l’archiduchesse, en augmentant l’isolement dans lequel vivait Madame Royale, bien qu’elle eût quitté le deuil, contribua à lui rendre plus pesant le séjour de Vienne. Soit que les lettres de son fiancé eussent fini par toucher son cœur, soit que la tendresse de son oncle l’eût entièrement et complètement subjuguée, elle brûlait maintenant du désir de se réunir à eux et voyait avec joie approcher le moment où ce désir pourrait enfin se réaliser.

  1. La douleur de Madame Royale fut au même moment traversée par une petite joie. Dans le dépôt restitué par l’Électeur de Trêves, elle avait trouvé l’habit de son père. « C’est une vraie relique pour moi ; il m’a fait un grand plaisir. Il me paraît que le portrait de l’enfant qui est dans le portefeuille est celui de mon frère aîné, mais, comme j’avoue que je ne m’en souviens pas très bien, oserai-je vous prier de me le dire ! »