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donner communication. Il nous a autorisé à en prendre copie et à les mettre sous les yeux des lecteurs de cette Revue. Ce n’est pas seulement en notre nom qu’il doit en être remercié : le service inappréciable qu’il rend à l’histoire de notre poésie lui vaut la gratitude de tous les lettrés.


I

À plusieurs reprises il est parlé dans Raphaël des lettres que Raphaël, c’est-à-dire Lamartine, recevait de Julie, c’est-à-dire d’Elvire. La correspondance commença avec la première séparation, en septembre 1816, au lendemain du séjour aux eaux d’Aix. Julie est revenue à Paris, Lamartine est à Mâcon, guettant chaque jour l’instant où la crécelle annonce le passage du facteur. « Je cherchais à découvrir l’enveloppe de fin papier de Hollande et l’adresse de belle écriture anglaise… Je m’enfuyais dans ma chambre. Je m’enfermais au verrou pour dévorer à loisir les pages, sans être interrompu. » Lamartine rejoint Julie à Paris, à la fin de décembre ; les deux amans se voient tous les jours ; ils n’en continuent pas moins d’échanger des lettres quotidiennes, par lesquelles ils prolongent leurs causeries, sans avoir plus rien à craindre des importuns et des indiscrets. « Je commençais ma journée par une longue lettre à Julie… Julie recevait cette lettre à son réveil comme une suite de la conversation du soir… J’en recevais la réponse moi-même, avant le milieu du jour. » Une seconde fois, Lamartine, malade lui-même, se sépare de Julie, beaucoup plus dangereusement atteinte qu’il ne le croyait. « Les lettres que je recevais et auxquelles je répondais tous les jours entretenaient ma sécurité. Elles dissipaient par l’enjouement et les caresses des mots le nuage de pressentimens sinistres que ses adieux avaient laissé sur mon âme. » Il y a donc eu, entre les deux amans, une correspondance suivie, abondante, intime, et qui a été une part notable de leur bonheur.

Après la mort de Julie, cette correspondance aurait été réunie, classée, reliée, conservée longtemps, puis détruite aux environs de l’année 1849 où Lamartine publiait Raphaël. « Je les ai retrouvées, toutes ces lettres. Je l’ai feuilletée, page à page, cette correspondance classée et reliée soigneusement après la mort, par la main d’une pieuse amitié, une lettre répondant à l’autre, depuis le premier billet jusqu’au dernier mot écrit d’une main