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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/612

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Les Jésuites, au XVIIIe siècle, avaient formé le clergé strasbourgeois ; puis, dispersés, ils avaient laissé cette tâche à leurs propres élèves : Jeanjean, qui enseignait le dogme d’après leur méthode scolastique ; Dittrich, qui dans ses cours de droit canon réfutait leurs adversaires fébroniens ; Settler enfin, qui s’inspirait, dans ses leçons et dans son manuel, de leur théologie morale. Tels furent les maîtres de Liebermann. Les professeurs allemands du XIXe siècle cultiveront la théologie comme une science dont le domaine offre encore des terres vierges à défricher ; pour ces Strasbourgeois, médiocrement soucieux d’originalité, elle était surtout un dépôt, qu’ils recueillaient et transmettaient. Ils menaient de front avec leur enseignement les occupations d’un ministère actif ; prédicateurs en même temps que professeurs, ils étaient prêtres avant d’être des savans.

Lorsqu’en 1784 le jeune Bruno-François Liebermann s’essayait comme sermonnaire à la cathédrale de Strasbourg, on pouvait augurer, pour lui, les plus hautes dignités de l’Eglise d’Alsace ; et les augures ne se fussent qu’à demi trompés, puisqu’il mourra sous Louis-Philippe vicaire général du diocèse. Mais ce qu’ils n’eussent pu prévoir, c’étaient les années de tourmente, au cours desquelles Liebermann se vit tour à tour exilé par la Révolution, ramené dans les chaires d’Alsace par le Concordat, arrêté sur un ordre de Paris comme conspirateur royaliste, et relâché enfin, à la prière de l’évêque Colmar, mais avec défense de reparaître à Strasbourg. Son zèle ainsi déraciné choisit Mayence comme champ d’action, et le grand séminaire, ouvert en 1805 par Colmar, devint un coin d’Alsace. On y transporta méthodes et doctrines strasbourgeoises ; on y fut « ultramontain, » alors qu’ailleurs on était fébronien ; on y suivit un règlement très strict, très austère ; on y donna l’exemple de soigner les vocations, de les éprouver, de les affiner, alors qu’ailleurs la partie ascétique et proprement spirituelle de la formation sacerdotale était, soit négligée, soit inconnue.

Il advint, au bout d’un quart de siècle, qu’un évêque d’énergie débile permit au gouvernement hessois de faire élever les futurs prêtres par une « faculté de théologie catholique » rapidement installée à l’université de Giessen : alors l’école de Mayence disparut, mais elle laissait après elle une influence vivante et durable. Elle avait produit Raess, le futur évêque de Strasbourg ; Weis, qui s’assoira sur le siège de Spire ; Geissel, qui de son