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capital du débat. L’homme, dans le catholicisme, concourt à sa régénération ; dans le protestantisme, Dieu seul en est l’auteur ; là, il y a coopération entre la grâce divine et la volonté humaine ; ici, il y a souveraineté absolue et inéluctable de la grâce. De ce contraste entre les symboles des deux confessions, tous les autres découlent. Ce ne fut point par fronde, par coups de tête, mais par logique, que la Réforme, en matière de dogme, dut être de plus en plus réformatrice. Sur le paradis terrestre, la chute, le péché originel, la vie intérieure des fidèles, l’Église, le royaume de Dieu, les deux confessions devaient fatalement diverger. La Symbolique nous fait assister à l’antithèse de deux logiques ; et c’est une antithèse en marche, toujours plus implacable. Les discussions sur l’idée d’autorité religieuse, et sur l’antériorité de l’Eglise visible à l’Église invisible ou de l’Église invisible à l’Église visible, alimentent les polémiques ; mais elles sont logiquement, sinon historiquement, postérieures à une dissonance fondamentale, d’ordre philosophique, qui sépare les deux confessions ; cette dissonance concerne l’homme et ses rapports avec Dieu. Il s’agit de savoir si Dieu le justifie en le mettant en mesure de se sanctifier, ou bien en le laissant radicalement incapable d’être sanctifié ; si, dans l’œuvre du salut, l’élément humain est régénéré ou bien opprimé par l’élément divin ; et si enfin, dans la vie quotidienne, pour que le péché quitte l’homme, il faut que l’homme quitte le péché.

La théorie de l’Église, telle que la développait Moehler au cinquième chapitre de son ouvrage, fut une révélation pour les catholiques eux-mêmes. On était accoutumé à lire, dans les manuels, des développemens abstraits, d’un esprit quasi juridique, sur la nature de cette institution, sur son caractère de société parfaite ; on s’y formait, si l’on peut ainsi dire, une conception statique de l’Eglise ; il semblait que dans son auguste prestige il y eût quelque chose de figé ; et si, de ces prémisses, on déduisait quelque thèse sur les rapports entre la société civile et la société religieuse, celle-ci dès lors risquait d’apparaître comme une cité bien close, divinement insurgée contre la cité « laïque. » Moehler survenait, et volontiers dirions-nous qu’avec lui la conception dynamique reprenait ses droits et retrouvait faveur. La théorie de l’Église se déroulait, sous sa plume, comme une sorte d’épilogue à l’histoire de l’Incarnation ; elle se confondait, presque, avec cette histoire elle-même. L’Église, pour lui, c’était le