Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

traits d’une fille de pasteur, Luisa Hensel. Il voulut se confesser à elle et l’épouser, dût-il se faire protestant. « Vous êtes assez heureux, lui dit Luisa, pour avoir la confession ; voyez un de vos prêtres ; » et quant au mariage, elle voulait rester « une colombe, qui s’enfuit dans le bleu du ciel. » Et Brentano gémissait à l’idée de mourir solitaire, « comme un mendiant dans les broussailles, comme le jour dans le gris du soir. » Alors les deux influences de Luisa, qui bientôt allait se faire catholique, et du prêtre Sailer, amenèrent cet amant de la solitude à se fixer, sept années durant, près d’une nonne malade, stigmatisée, emportée loin d’elle-même par des extases, qui couronnaient ses rédemptrices souffrances. On fut stupéfait, en Allemagne, lorsqu’on apprit que Brentano recueillait pieusement les révélations de cette Catherine Emmerich, rustique, illettrée, au fond d’une bourgade westphalienne. « Je sens que je trouve une patrie ici, écrivait-il, il me semble que je ne peux plus quitter cet être prodigieux, que Dieu me donne une besogne. » Stolberg, Over-berg, tous les survivans du cercle de la princesse Galitzine, s’intéressaient aux visions de Catherine ; mais la merveille des merveilles, c’était de voir le subjectivisme romantique assagir soudainement ses fantaisies débridées, pour s’asseoir à un chevet et s’instituer greffier. Emmerich, morte, régnait encore sur l’âme de Clément ; et puisqu’elle n’était plus là pour qu’en elle il trouvât Dieu, il le chercha dans les pauvres.

Il y avait à Coblenz un conseiller municipal nommé Diez, qui s’intitulait crânement « le valet de notre bon Seigneur Dieu dans sa ville de Coblenz ; » auprès de lui, pour le même service des malheureux, Luisa Hensel, Apollonie Diepenbrock, étaient accourues ; Brentano survint à son tour. Et comme Diez se sentait mortel, comme Luisa et Apollonie étaient à Coblenz deux déracinées, et comme les misères, elles, sont immortelles, Diez eut un jour la pensée, pour que l’œuvre de bien lui survécût, de remonter la Moselle et de s’en aller quérir des filles de France. Les sœurs de Saint-Charles de Nancy répondirent à son appel : huit d’entre elles se détachèrent du tronc lorrain, et Coblenz fut l’une des premières villes étrangères où la France catholique, relevée des ruines révolutionnaires, dépensa quelque chose de son cœur. Alors, témoin de cette fondation, Brentano s’en fit l’historien. Son livre sur les sœurs de charité parut en 1831 ; il fut pour l’Allemagne une lumière. L’opinion bavaroise,