Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/698

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Laveran et Mesnil distinguent les épizooties du nagana et de la surra, tandis que d’autres les identifient ; de même, Nocard et Lignières ont séparé la surra, le mal de Caderas et la dourine, en montrant que des animaux rendus réfractaires à l’une de ces infections peuvent être vulnérables à l’autre, sans que, pourtant, d’excellens argumens aient entraîné un assentiment universel. C’est sous le bénéfice de cette observation que nous allons examiner ces épizooties plus ou moins distinctes.


Le nagana est le nom dont les indigènes du Zoulouland se servent pour désigner une épidémie meurtrière qui fait périr les chevaux et les bœufs. Ses ravages s’étendent d’ailleurs aux ânes, aux mules, aux chiens, aux chats et à beaucoup d’autres animaux. La maladie est invariablement fatale aux chevaux, aux ânes et aux chiens : quelques bovidés peuvent en guérir. L’infusoire qui cause la maladie a été découvert par David Bruce en 1894 ; c’est le « trypanosome de Bruce. » L’agent qui l’inocule est la mouche piquante tsé-tsé. Le nagana est donc, par excellence, une maladie à tsé-tsé. Ses ravages justifient la terreur qu’inspire aux populations et aux explorateurs de l’Afrique Australe l’obligation de traverser les régions occupées par cet insecte redoutable.

La zone occupée par la mouche tsé-tsé, et, par conséquent, l’aire d’extension du nagana, est immense. Elle commence, dans l’Afrique du Sud, immédiatement au-dessus du Transvaal. Le voyageur qui s’élève au nord du Transvaal sur la route de Pretoria au lac Nyassa ne tarde pas à rencontrer par places, le long des cours d’eau, dans les terrains marécageux et ombragés, des essaims de ces mouches piquantes qui attendent, cachées sous les feuilles, le passage de la proie. Dès que la caravane est à portée, elles glissent, d’un vol rapide, autour des bêtes et des gens avec un léger bruissement d’ailes que le mot de tsé-tsé rend assez bien. On ne les sent pas se poser sur la peau : mais bientôt la piqûre de leur trompe aiguë produit une vive cuisson. On voit les indigènes frapper leurs jambes nues, les chiens mordre en rond et les chevaux lancer des ruades. Lorsque la mouche, gorgée de sang, retire sa trompe, elle laisse dans la blessure, avec un peu de liquide, l’hématozoaire parasite qu’elle avait, puisé vingt-quatre ou quarante-huit heures plus tôt, dans le sang d’une précédente victime, et, par exemple, dans le sang du gros gibier.