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II

Gabrielle-Solange Dudevant naquit à Nohant, le 13 septembre 1828, pendant la visite inopinée que fit à sa mère Aurélien de Sèze[1]. L’amoureux platonique de Mme Dudevant, en correspondance réglée avec elle, était inquiet d’un long silence et du trouble moral que manifestaient les dernières lettres reçues : il quitta Bordeaux pour revoir, après plus d’un an, celle dont il s’était peu à peu constitué le directeur spirituel et littéraire. Il ne fut pas peu stupéfait de trouver une femme absorbée par les préparatifs d’une layette. Au cours de cette visite, Aurore eut une frayeur qui hâta la venue de l’enfant. Solange arriva très petite et fluette, d’ailleurs bien constituée. Elle devait énergiquement rattraper le temps perdu. Son premier développement, entre 1828 et 1835, est décrit dans le premier volume de la Correspondance de sa mère.

Le 27 décembre 1828, Solange est encore « bien petite et bien délicate » pour que Mme Dudevant risque le voyage de Paris auprès de sa mère. « Du reste, elle est fraîche, et jolie à croquer, » déjà ! Elle engraisse bientôt, et si rapidement, qu’au mois de mars 1829, c’est « une masse de graisse, blanche et rose, où on ne voit encore ni nez, ni yeux, ni bouche. C’est un enfant superbe, quoique né imperceptible ; mais, pour espérer que ce soit une fille, il faut attendre qu’elle ait une figure. Jusqu’ici elle en a deux, aussi rondes et aussi joufflues l’une que l’autre. » Cette santé rassurante permet à la mère d’aller et de venir. Elle fait, en novembre-décembre 1829, le voyage de Périgueux ; Boucoiran, le précepteur de Maurice, remplira par surcroît le rôle de nourrice sèche auprès de Solange. « Ayez aussi l’œil sur ma petite pataude, et l’oreille à ses cris. » Boucoiran annonce un rhume. « Ma fille est enrhumée, dites-vous ? Si elle l’était trop, faites-lui le soir un lait d’amandes, vous avez ce petit talent ; mettez-y quelques gouttes d’eau de fleurs d’oranger, et une demi-once de sirop de gomme. » La jeune femme revient sur ces entrefaites, et peut annoncer à sa mère (29 décembre 1829) les merveilles de ce petit prodige de quinze mois : « Ma fille commence à parler anglais et à marcher. Elle a une bonne qui lui

  1. Voyez Histoire de ma vie, IV, 48 ; — Vladimir Karénine, I. 296 ; voyez aussi Revue de Paris, article cité, 15 mars 1896.