Il fait un vent divin dans les arbres, ce soir.
Son long murmure emplit le parc désert et sombre ;
On n’entend que le vent, on ne voit que le noir,
Et parfois on dirait d’étranges rumeurs d’ombre.
C’est comme un ruisseau vague au remous incertain
Sous le ciel chaud où luit seule une étoile verte ;
Il s’approche, il se brise, il se perd au lointain :
On croit le voir passer à la fenêtre ouverte.
On sent qu’il baigne tout comme une eau brusque et douce,
Comme un torrent léger d’air et d’enchantement,
Et qu’il n’est pas au monde une feuille, une mousse,
Qu’il ne fasse trembler voluptueusement.
Il est toute langueur, toute ardeur, toute joie,
Tout ce qui rêve, glisse, et défaille, et bruit ;
Il semble un froissement délicieux de soie,
Il semble un sourd frisson d’extase dans la nuit.
Et c’est vraiment, parmi les profondeurs funèbres
Qu’il enivre d’un tiède et mystérieux vin,
Quelque chose qu’on sent parfois un peu divin,
Quelque chose d’immense, et d’auguste, et de vain :
C’est comme un grand soupir de Dieu dans les ténèbres.
Ce soir, je me sens plein de rêve, à fondre en pleurs :
Partout mon âme crée une autre âme infinie ;
Mon silence dans l’air évêque une harmonie,
Et mes yeux refermés font éclore des fleurs.