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M. le comte Andrassy est revenu à Vienne faire part à François-Joseph des difficultés qu’il avait rencontrées. La coalition victorieuse, quelque peu homogène qu’elle soit, a continué de former un Bloc, comme nous dirions en France : elle a émis des exigences que nous ne connaissons pas très bien, mais que M. le comte Andrassy n’a pas cru pouvoir accepter, au moins jusqu’à présent. Pour essayer de la dénouer, François-Joseph s’est décidé à faire appeler M. Kossuth, pour causer avec lui. Puisqu’il devait prendre ce parti, peut-être aurait-il été bien inspiré en le prenant tout de suite : il y a aujourd’hui quelque chose d’un peu contraint dans sa détermination. M. Kossuth, avant de se rendre à Vienne, a fait connaître ses vues dans les journaux. Il est partisan en principe de l’union personnelle de l’Autriche et de la Hongrie ; mais il reconnaît qu’un changement aussi profond ne peut pas se faire d’un seul coup, et il borne ses projets immédiats à la séparation économique des deux pays, et sans doute à la constitution d’une armée purement hongroise. François-Joseph a fait naguère une résistance énergique sur ce dernier point. M. Kossuth est rentré à Pest, sans qu’on sache encore quel a été le résultat de son entretien avec l’Empereur. Les choses en sont là, et, nous le répétons, ce qui leur donne un caractère inquiétant, c’est que, pour la première fois en Hongrie, il n’y a pas de majorité véritable : il n’y a qu’une majorité de rencontre, composée d’hommes qui ont pu s’entendre pour l’opposition, mais qui ont peu d’idées communes pour le gouvernement. Le parti de l’Indépendance, étant le plus nombreux, devient dans toutes les hypothèses un appoint indispensable, ce qui le rend maître de la situation. Qui sait si, après avoir constaté l’impossibilité de gouverner dans ces conditions, un nouvel appel au pays ne sera pas jugé nécessaire pour sortir de l’embarras actuel ? Et cependant l’expérience électorale qu’on vient de faire n’a pas assez bien réussi pour qu’on soit tenté de la recommencer de sitôt.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, F. BRUNETIERE.