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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/129

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pourtant mourir un jour. Celui à qui fut donnée l’existence, celui-là, la mort le suit toujours. Tomber sur le champ de bataille, c’est unir en béros et gagner le paradis d’Indra. Ne craignez rien, Barassari ! Où vous tomberez, je tomberai aussi. »

Le Barassari écouta attentivement ce discours plein de force et de courage, il en hennit de joie et se prosterna aux pieds de son maître. Le rajah invoque les dieux, se met en selle, et part avec trois cents chevaux. Mais, quand il passe devant la pagode de Ranganaden, son premier soin est de mettre pied à terre et d’implorer la protection de son dieu.

Entré dans le sanctuaire, il couvre l’image de guirlandes, l’asperge d’essences précieuses, lui promet une couronne d’or si elle lui donne la victoire : « Maintenant, Roi tout-puissant, faites-moi connaître mon sort par des présages bons ou mauvais ! » Desing, prosterné, attend la réponse de Ranganaden. Bientôt, les signes se manifestent ; le destin lui est contraire.

Les guirlandes passées au cou de la statue noircissent, les yeux de la statue laissent couler des larmes, ses bijoux se détachent, l’ornement de son front tombe sur les dalles. La lampe sainte s’éteint. Les signes se multiplient, augmentent de gravité. Le gopura du sanctuaire s’écroule. La déesse Latchmi qui se dresse sur l’autel à côté de son époux Vichnou pousse des cris de douleur et fond en larmes. Le haut pilier, sur lequel Garouda aux ailes éployées repose, se brise en deux. Et le génie placé du côté de l’Est se tourne vers l’Ouest.

Ainsi les présages de malheur se succèdent sans ébranler le courage du rajah : « Oh ! Ranganaden, pourquoi tant de colère contre moi ! Je suis un noble guerrier et qui ne craint pas la mort ! Mortel je suis, éternel vous êtes. Avec bravoure, j’affronterai le péril. Ne m’abandonnez pas, ô mon Dieu protecteur. Ne m’envoyez point la mort au milieu du combat. Que mes jours prennent leur fin avec la fin de l’épreuve. Recevez mon âme humble entre vos pieds sacrés ! »

Puis, ayant fait le tour de la pagode à cheval, Desing marche vers l’ennemi. Au seul bruit de son approche, les troupes du Nawab perdent courage : « Nawab, Nawab, voilà Desing qui s’approche monté sur son Barassari, tel un lion rugissant. C’en est fait de nous ! Il va nous tailler en pièces ! Si nous ne pouvons vaincre par la force, employons la ruse. »

Sur le conseil du prudent Bangarounaïker, les musulmans