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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/140

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les pussent réduire au silence. La position des assaillans fut mauvaise tant que la lune brilla. Mais à son coucher, les choses changèrent. Les assiégés ne tirèrent plus qu’au juger.

C’est le Chandraja-Dourgan qui semble avoir été pris le premier, et par cet officier, M. de Saint-Georges dont on donna, par la suite, le nom à la montagne du Sud-Ouest. Avec lui, MM. Le Normand et Verri entraînèrent les troupes, poussant de l’avant l’épée à la main, et couronnèrent bientôt le fort aux cris de : « Vive le Roy ! » Les petits ouvrages en dépendant furent réduits sans peine, leurs défenseurs dévalèrent les pentes abruptes jusque sur la route de Vettavalam et se perdirent dans la nuit. A l’exception du Radjah-Ghiri, tout l’ensemble de Genji était dès lors au pouvoir des Français, les gardiens du Krichna-Ghiri avaient disparu par la route de Tirnamallé, portant jusqu’au vieux Genji la nouvelle de leur déroute, aux premières lueurs du matin.

Mais au Radjah-Ghiri, la résistance devait se montrer plus sévère. A cinq heures du matin, seulement, on réussit à faire sauter la porte du porche, et on dut gagner pied à pied l’escalier du grand rocher où les dragons laissèrent du monde sur les gradins de pierre enserrés de murailles crénelées. En cinq heures de temps, tout fut enlevé, et les défenseurs tués ou pris. Parmi ces derniers se trouva le lieutenant du gouverneur de Genji. Celui-ci était à Arcate auprès de Nazzir-Sing.

Faut-il attribuer à l’absence de ce gouverneur la prise, en réalité peu disputée, de Genji ? — Peut-être. — A la mollesse des Hindous ? — Certainement. — A la bravoure des assaillans ? — Sans aucun doute. — Mais il y a autre chose.

S’il vous souvient du fameux précipice, avec ses parois à pic, qui sépare l’acropole de la masse du Radjah-Ghiri, vous vous demanderez comment pénétrèrent les assaillans et par où disparurent les fuyards. Seuls des oiseaux pouvaient passer du grand rocher sur le plateau culminant. Pour des hommes, cela est incompréhensible. Peut-être la plupart des travaux, aujourd’hui réduits à des ruines, n’existaient-ils pas encore ? — Peut-être y avait-il là un pont de maçonnerie qu’on ne put faire sauter ? — Peut-être, dans leur terreur, les assiégés oublièrent-ils de retirer la passerelle de bois ? Cela est peu probable. — Peut-être aussi, ne se souciant pas de soutenir un siège, sans espoir de secours et sans chance de retraite, abandonnèrent-ils l’acropole sans la défendre ? On peut le soutenir.