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Orme, qui vécut à Madras au XVIIIe siècle et connut certainement quelques survivans de la nuit de Genji, a dit dans son « Histoire » qu’au sommet du Radjah-Ghiri est placé un petit fort, sur un bloc de rocher « où dix hommes pouvaient tenir contre une force quelconque, à découvert, lancée contre eux, « il n’était que l’écho fidèle d’une tradition qui, pour récente, n’en avait pas moins acquis force de légende.

L’effet moral, qui lui aussi s’affirme en vérité, de cette opération fut énorme. Après le rajah du vieux Genji des montagnes qui adressa des présens et sa soumission à M. d’Auteuil, maints principicules, dont les sentimens ne semblaient point près de se déclarer, recherchèrent la protection de ces Français, capables de pareils exploits. Si l’on en croit même certains historiens qui ont traité de la vie de Dupleix, comme les hagiographes relatent les actes des saints, sa gloire s’envola de Genji jusqu’à Pounah et jusqu’à Delhi, « qui se trouverait presque à portée des entreprises du gouvernement français, o C’était aller vite en besogne. Et Dupleix ne tenait pas la sienne pour assez avancée, puisque, à ce moment même, il traitait pour l’assassinat de Nazzir-Sing qui fut tué, deux mois après, en trahison, sur le territoire de Genji... Mais ce n’est pas mon dessein de vous retracer l’histoire de l’Inde et de la Compagnie. Pour en finir avec Genji, il faut se rappeler que les Français le conservèrent pendant onze années. Attaqué en 1752 par le major Kinner, il fut débloqué par la seule arrivée des Français de Kerjean à Vicravandi. Craignant de se voir coupés de leurs communications avec Tirouvadi, les Anglais revinrent sur leurs pas. Mais, le 5 avril 1761, après la prise de Pondichéry, la garnison de Genji se rendit au capitaine Stephen Smith. La dernière place de l’Inde française ne résista que cinquante jours. Aussi bien cette défense ne répondait-elle à aucun besoin, puisque la France ne possédait plus rien sur la terre indienne. Les Anglais, à leur tour, s’installèrent dans la forteresse du rajah Desing. Vingt ans après, ou un peu moins (1780), ils la rendirent à Hyder Ali qui la garda jusqu’à sa mort (1782). Dès lors, Genji perd son importance au profit de Vellore, ainsi que je vous l’ai déjà écrit... Demain, je vous parierai des Djaïnas de Sittamour, et de leur temple fameux, si j’y puis, toutefois, pénétrer...