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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/144

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tête rasée, dans la règle, mais ils portent leurs cheveux coupés très courts. Quand ils apprirent que je voyageais pour m’instruire dans les religions de l’Inde, quand je leur eus prouvé par mes réponses que je connaissais les principes du djaïnisme et que j’admirais son grand esprit de charité, tous s’humanisèrent, et il me fut permis de jouir de l’abri du porche principal. De là, j’avais vue sur la cour carrée, dallée, et sur une partie des façades intérieures.

La foule nous pressait sans malveillance. Rarement a-t-elle occasion de voir des Européens. Car la curiosité ne pousse point les touristes vers ces recoins perdus où ils ne trouveraient aucune ressource, ne pourraient se nourrir non plus que se loger. Et c’est en cela que nos missionnaires sont particulièrement précieux. Partout où l’on se présente avec eux, on est assuré d’un bon accueil et des facilités qui peuvent se concilier avec l’exclusivisme hindou. Brahmanistes, Islamites, Djaïnas ont l’esprit à ce point religieux qu’ils respectent tous les cultes et en honorent les ministres. Où le missionnaire passe, il est salué respectueusement, surtout par le musulman, et cela en tous lieux. Je me rappelle avoir vu, jadis, à Mascate, de grands cheicks arabes baiser, en se prosternant, le bas de la robe des religieuses qui revenaient de Bagdad. Ainsi ces hommes de proie, plus superbes que des rois mages sous leur manteau brun brodé d’or, portant l’épée, le poignard et le broquel à montures d’argent, honoraient-ils les humbles filles d’Occident qui s’exilent aux solitudes pour soigner les malades, secourir les pauvres et recueillir les orphelins. Ils vénéraient en elles les vertus qu’ils ne pratiquent point. Les politiciens qui gouvernent la France n’en sont point à rougir d’une aussi mesquine superstition. Homais, « affranchi des vaines terreurs, » peut, au nom de la « raison, » expulser les « sœurs » et les remplacer par des institutrices et des infirmières laïques, qui font souche d’électeurs et qui combattent pour la science et la vérité.

« Mêl-Sittamour, ou Sittamour de l’Occident, — par opposition à Kich-Sittamour ou Sittamour de l’Orient, situé près de Maïlom, — est une des places principales du djaïnisme. Au temps des rois, les Djaïnas de Genji y venaient. C’était leur chef-lieu religieux… »

J’interrompis le Samiar qui m’instruisait, et m’écriai intérieurement, tout en me frappant le front : Enfin, tout s’éclaire !