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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/174

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avec la Cour ; une se rapportait à Talleyrand. C’était une lettre, datée du 22 avril 1791, où l’intendant de la liste civile, M, de Laporte, mandait au Roi :


Sire, j’ai l’honneur d’adresser à Votre Majesté une pièce qui a été écrite avant-hier, mais que je n’ai eue qu’hier après-midi ; elle est de l’évêque d’Autun qui paraît désirer de servir Votre Majesté. Il m’a dit que Votre Majesté pouvait faire l’essai et de son zèle et de son crédit, en lui désignant quelque point que vous désireriez, soit du Département, soit de l’Assemblée nationale. S’il parvient à faire exécuter ce que vous lui aurez prescrit, vous aurez une preuve de son zèle[1].


Dès que le rapporteur eut fini de parler, sans perdre un instant, la Convention décréta : « Il y a lieu à accusation contre Talleyrand-Périgord, ci-devant évêque d’Autun et... le scellé sera mis sur-le-champ sur ses papiers. » En même temps, plusieurs arrestations, entre autres celles de Rivarol et de Parent de Chassy, furent décidées, et l’on vota d’acclamation que tous les bustes ou effigies de Mirabeau seraient recouverts d’un voile. Le lendemain, 6 décembre, « sur la réquisition du citoyen ministre de la Justice, » la Commune de Paris décernait contre Talleyrand un ordre d’amener ; des instructions furent données à deux commissaires pour apposer les scellés sur ses papiers[2].

Le 7 décembre, de nouveau, le nom de Talleyrand était prononcé à la Convention. Ce jour-là, le capucin défroqué Chabot, député du Loir-et-Cher, faisait lire le Journal de la mission à Londres d’un agent secret, Achille Viard, chargé par certains membres du Comité de sûreté générale de dépister les complots des émigrés. Viard prétendait qu’il avait vu en Angleterre Talleyrand et Narbonne, que Talleyrand y intriguait avec plusieurs prélats, notamment avec les évêques de Saint-Pol-de-Léon, de Lisieux, d’Angoulême, de Poitiers et d’Amiens, et qu’il s’était publiquement vanté de sauver Louis XVI, grâce à ses amis de la Convention. Les députés prêtaient l’oreille. Mais Achille Viard, au lieu de ne s’en prendre qu’aux absens, eut la maladresse de mettre en cause Roland et sa femme, Fauchet,

  1. Recueil des pièces justificatives de l’acte énonciatif des crimes de Louis Capet, réunies par la Commission des vingt et un. Pièces comprises au premier inventaire. Pièce 4.
  2. L’original de cet ordre d’arrestation fait partie de la collection d’autographes lie M. Georges Cain, qui a eu l’amabilité de me le communiquer.