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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/193

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place de l’autre et se croit trahi ; mais aucun ne l’a été, et les groupes se reconstituent en fin d’histoire, suivant les affinités des cœurs.

Il y a deux romans dans les Malheurs de l’amour : celui de Pauline et celui d’Eugénie. Moitié par naïveté, moitié par dépit, Eugénie s’est abandonnée en toute confiance à un homme dont elle se croyait aimée, mais ce n’est qu’un libertin et qui la trompe. Découragée par cette première expérience, elle n’a plus la force de vivre le vrai amour avec un vrai amant. Elle se retire au couvent, religieuse-philosophe ; et, dans le parloir conventuel, elle reçoit l’amant fidèle qui se contente d’être l’ami. — Pauline, qui a de beaux écus et de plus beaux yeux, s’est trouvé un amant sincère dans la foule de ses prétendans intéressés. Des circonstances tragiques les séparent pour un temps. En cet éloignement, elle ne vit que de ses souvenirs et de ses espérances ; lui, plus léger, « . jeune et sensible, » trouve un divertissement dans un amour de grand chemin. Pris de remords, il se libère, sans pourtant oser revenir à son ancienne amie. Croyant la trahison sans retour, elle cherche l’oubli dans un mariage raisonnable ; mais toute son estime pour un mari honnête est impuissante à se muer en amour ; et ce n’est que très tard, avec une douloureuse résignation, qu’elle le laisse exercer tous ses droits. Il sent sa blessure en homme passionné qui voudrait être amant plus encore que mari, et en meurt de déplaisir. L’amant d’autrefois, enhardi, revient. Il a la bonne fortune et la consolation d’arracher à la mort celle qui l’aime toujours et de mourir à ses pieds amoureux et pardonné. Pauline dolente rejoint Eugénie au couvent.

C’est encore une « nouvelle historique » que les Anecdotes de la Cour et du règne d’Edouard II, roi d’Angleterre, mais l’histoire y est aussi frelatée et modernisée que dans le Siège de Calais. Comme les Malheurs de l’amour, les Anecdotes sont la juxtaposition de deux romans : l’un, très médiocre, où la responsabilité de Mme de Tencin est à peine engagée, puisqu’il a été terminé par Mme de Beaumont, est un vrai roman d’aventures avec enlèvemens, assassinats, chevaliers errans, maris barbares, etc. ; l’autre est une adroite esquisse d’homme frivole, qui est beau et qui le sait, qui aime, mais qui s’aime plus encore, qui ne se croit pas obligé, même dans ses plus sincères amours, à une exacte probité si sa vanité est en jeu, et qui, parmi toutes