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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/220

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forte, courageuse et résolue, de ces âmes supérieures à tout événement, dont la hauteur et la dignité ne plient sous aucun accident humain, qui retrouvent toutes leurs ressources où les autres les perdent, qui peuvent être affligées, jamais abattues ni troublées. » Et Piron, moitié badin, moitié sérieux, exprimait le même respect admiratif en ces vers sautillans :


Femme au-dessus de bien des hommes
Du siècle héroïque où nous sommes,
………………
Femme forte que rien n’étonne,
Ni n’enorgueillit ni n’abat,
Femme au besoin homme d’État
Et, s’il le fallait, amazone.


Ce w siècle héroïque » l’était trop peu pour elle. Il lui aurait fallu une vie forte et pleine, une vie de combat plus encore que de victoire ; elle a dû regretter souvent, j’imagine, de n’avoir point vécu cent ans plus tôt : elle eût été une belle « frondeuse, » vaillante, dominatrice, implacable ; elle eût ainsi évité les basses galanteries où elle a sali sa jeunesse et les mesquines intrigues où elle a usé son âge mûr. Le siècle affadi et léger qui fut le sien, ce siècle dont la vanité, disait-elle, « a dégradé les passions et affaibli jusqu’aux vices, » ne lui offrit qu’un rôle de courtisane ; elle s’y résigna, mais de mauvaise grâce, et son caractère reste supérieur à sa vie. Elle apparaît, au milieu d’une génération frivole, comme une « amazone » manquée.


MAURICE MASSON.