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à M. Jaurès à quel titre il tenait, au nom de l’Allemagne, un langage que ses représentans officiels ne lui avaient jamais tenu. Les socialistes ont montré alors mie telle indignation et fait un si grand tapage que M. le président Brisson a cru devoir présenter des explications qui ressemblaient à une excuse du ministre. Mais l’opinion allemande ne s’est nullement émue du langage de M. le ministre des Affaires étrangères, et il ne faudrait pas que nous prissions l’habitude de nous émouvoir pour elle, et plus qu’elle, de paroles qui la laissent indifférente. N’est-ce pas ce que nous avons déjà fait une première fois à propos d’un discours militaire qu’un de nos généraux avait prononcé devant sa troupe ? Le gouvernement a envoyé ce général de la frontière de l’Est en Algérie : en Allemagne, on a quelque peu souri de notre délicatesse.

Si nous rappelons ce souvenir, c’est que nous songeons aux discours que l’empereur Guillaume a peut-être prononcés à Dœberitz et certainement à Hambourg. On en a fait beaucoup de bruit dans le monde, et on s’est grandement préoccupé en Allemagne de la question de savoir si le premier de ces discours était authentique. Il semblait que, s’il l’avait été, la paix de l’Europe en aurait été moins assurée. Nous sommes heureux de constater que, cette fois, c’est l’opinion française qui a montré le plus de calme et de sang-froid. Pendant qu’on se demandait chez nos voisins si le discours de Dœberitz avait été vraiment prononcé, ou s’il ne l’avait pas été ; que les uns le jugeaient pacifique, mais que les autres le qualifiaient de belliqueux ; que la chancellerie impériale se gardait de le démentir tout à fait, et même qu’elle s’y associait par des notes officieuses ; enfin que des journaux habituellement inspirés assuraient que tout Allemand digne de ce nom pensait et sentait ‘comme l’Empereur ; pendant que toutes ces gloses se succédaient, se croisaient, se complétaient, se contredisaient, nous nous demandions en France ce qu’il pouvait y avoir de si impressionnant dans le discours, ou dans le pseudo-discours de Dœberitz. Il convient d’attacher toujours une grande attention à des paroles tombées de si haut ; mais enfin l’empereur Guillaume en a prononcé d’autres dont on aurait pu s’inquiéter encore davantage, et auxquelles U. a été évident par la suite qu’il n’attachait pas lui-même le sens menaçant qu’on leur avait donné. A Dœberitz qu’a donc dit l’Empereur dont nous devions nous inquiéter ? L’Empereur n’était pas dans son cabinet, parlant à son chancelier ou à son ministre des Affaires étrangères ; il était au milieu de ses officiers, après des manœuvres militaires, et là, comme chef d’armée,