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l’autre, est pittoresque, imprévu, fort beau. De Rotterdam ici, figure-toi les marais plats et verts de Rochefort, ou ceux de Villedoux, avec plus de verdure dans les horizons, des moulins de physionomie locale, plus de bétail et plus de fraîcheur. Tout cela plat, fuyant, vivant et mouillé ; des hérons, des cigognes, des volées de vanneaux : je connais cela comme si j’y étais né. On sent la mer au bout de l’horizon ; il y a des brouillards bleus qui baignent les distances. Et toutes les demi-heures, car les trajets sont courts, une silhouette de ville grisâtre au-dessus des oseraies pâles, déployée en longueur avec la haute flèche de quelques églises : c’est Schiedam, Delft, enfin la Haye. C’est fort joli, mais je l’ai vu trop souvent en rêve ou en réalité pour m’en étonner beaucoup. Quant à l’intérieur des villes, c’est autre chose ; cela me paraît fort inédit, et, d’ailleurs, je te parle d’un horizon de chemin de fer, et toute la Hollande ne tient pas dans la lucarne d’un wagon.


A la même.


La Haye, mercredi 11 h. 1/2. 14 juillet 1875.

J’ai, bien entendu, commencé par le Musée, à trois minutes de l’hôtel, dans le plus beau quartier, j’imagine. Il est tout petit, mal éclairé, mais d’un examen facile. Il contient certaines choses rares, pas celles dont on parle. Les plus célèbres, et pour lesquelles on y vient, sont des œuvres curieuses, pas des chefs-d’œuvre, n’faut les avoir vues, et chercher mieux. Je parle des Rembrandt (Leçon d’anatomie) et du P. Potter (Taureau).

J’y ai fait une attentive visite qui n’est qu’un début. Après les Rubens, c’est une étude qui coûte peu d’efforts. On se sent là sur un terrain secondaire, et l’on n’est plus obligé de regarder toujours de bas en haut, comme il arrive pour un esprit respectueux devant ce colosse. Tout cela m’apprend beaucoup, non pour mon métier, hélas ! qui est ce qu’il sera, mais pour ma culture générale : ce sont des choses qu’il est vraiment bon d’avoir pendues dans le musée de sa mémoire.

Quelle jolie ville que la Haye ! Ce que j’en vois dans ce court rayon, et même de ma fenêtre en t’écrivant, est d’un aspect riant, propre, élégant, original, des plus agréables.