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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/279

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Cuyp également n’eut pas de disciples, pas d’école, et, je crois bien, pas d’influence.

Des quatre grands peintres qui sont la plus haute gloire de la Hollande, trois ne furent donc aucunement suivis. Le quatrième eut pendant vingt ans une vogue immense, se prodigua, paraît-il, en fort beaux conseils théoriques, donna beaucoup à réfléchir aux esprits solides, dérouta les faibles, les émerveilla tous, et finalement, malgré l’excellence de ses doctrines et la grandeur de ses œuvres, fut un professeur médiocre.

Il faut chercher ailleurs la souche des praticiens habiles. Les « petits maîtres, » comme on les appelle, ceux chez qui la pratique est parfaite, la personnalité moindre, se formaient autour des hommes secondaires, qui, peu doués par l’imagination ou par le cœur, possédaient un beau métier, lucide, méthodique, correct, d’emploi usuel, et qui en enseignant ce qu’ils savaient, donnaient à peu près tout ce qu’ils étaient.

Fr. Hals, un grand praticien s’il en fut, la peinture incarnée, instruisit Ostade et Brouwer. Forma-t-il également Terburg ? C’est probable. Quelles leçons Terburg aurait-il été prendre à Harlem, s’il n’avait pas suivi celles de Fr. Hals ? Metsu fut conseillé par Gérard Dow, Mieris aussi. Quant à Berghem, Karel-Dujardin, Wouwermans, Jean Asselyn[1], Adrien Van de Velde, leur groupe ressemble un peu à une école mutuelle, où vivent certaines traditions, où l’on sent une méthode commune, un enseignement où les procédés s’empruntent et se perpétuent, où les anciens stimulent les nouveaux, dont le premier instituteur est Wynants[2] et dont Berghem serait, en termes de pension, quelque chose comme le moniteur.

Ici du moins, la pensée n’embarrasse personne. L’exécution ne se complique d’aucune invention très profonde, il y a une grammaire, une orthographe, des règles de construction fixes, tous les élémens d’une langue riche et brillante.

Cette méthode, je ne dis pas la plus belle, mais du moins la plus infaillible et la mieux coordonnée et, semble-t-il, la plus facile à suivre de toutes, produisit plus tard de tristes peintres, pour le moment du moins n’égara personne. Le jour où Wynants

  1. Karel-Dujardin (1635-1678), peintre de paysage et d’animaux, né à Amsterdam, élève de Berghem et de Paul Potter. — Jean Asselyn (1610-1660), peintre de paysage et de batailles, né à Dieppe (France), élève d’Isaïe Van de Velde.
  2. Jean Wynants (1610-1680), peintre de paysage, né à Harlem.