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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/281

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sonore qui est commun à toutes. Si vous mettez en ligne du Van de Velde dans sa manière forte, du Asselyn, du Berghem, du Karel-Dujardin, vous vous apercevrez, malgré la différence des caractères et des physionomies, que toutes ces peintures ont le même degré de sonorité, la même mesure de force et de clair, une base identique, et qu’elles composent pour l’œil le plus harmonieux ensemble qui se puisse produire avec des organisations si diverses. La même palette pourrait servir à tous. On y retrouve non seulement le même ton général en sa force, et dans son coloris, mais le principe de chaque ton ne diffère pas sensiblement. Il y en a que Berghem affectionne et qui sont aussi ceux de Wouwermans. Van de Velde emploie volontiers ceux de Karel-Dujardin. Tous ces tons sont d’une extraordinaire simplicité ; le nombre surtout en est très réduit. Seulement la matière en est nourrie d’élémens puissans et riches. Elle est profonde, elle est épaisse.


Amsterdam.

Une eau-forte de Rembrandt, les Trois arbres, par exemple, le Pont de Six, ou la vue d’Amsterdam ; un mince horizon de Paul Potter, avec de grands animaux de premier plan pâturant ou rêvassant droits sur leurs jambes, le cou tendu, les yeux demi-clos ; un vaste ciel de Ruysdaël, roulant des nuées orageuses au-dessus d’une plaine d’un vert mouillé avec des maisons basses, un bouquet d’arbres, un toit rouge, et des profondeurs vaporeuses ; voilà sous quelle forme sommaire, expressive et toujours vraie, les trois plus grands peintres de la Hollande ont vu la campagne hollandaise.

Il y a les bois, qui sont la Hollande, les beaux grands bois des environs de la Haye. On y est perdu dans les hautes et épaisses verdures ; des eaux vertes et sans mouvement circulent ou dorment sous l’abri des hêtres. Une humidité verdâtre semble imbiber le tronc des arbres ; le soir, des brouillards y flottent ; le jour, il y règne une obscurité solennelle et douce ; on y sent en juillet une odeur de feuilles, d’écorces moisies, d’herbes humectées ; il y a aussi les dunes sablonneuses dominant des grèves tristes, avec une mer houleuse et blanchâtre ; il y a les bateaux sans voiles, les lourds bateaux appuyés à bâbord et à tribord sur de larges palettes en forme de nageoires.