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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/321

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M. Boissier défendait les positions traditionnelles contre l’hypercritique de son jeune adversaire : « Vous m’amusez beaucoup, » lui disait-il en riant, et la lutte courtoise, si elle ne décidait rien, faisait admirer du moins la verdeur juvénile du vie latiniste.

Ce n’est pas tout M. Boissier fut, durant de longues années, membre du Conseil supérieur de l’Instruction publique, et cela dans la période où furent décidées les transformations les plus nombreuses et les plus graves de notre éducation nationale. Si l’on songe en outre que, même avant 1870, il avait été associé aux tentatives faites pour moderniser l’enseignement des lycées, vivifier celui des Facultés, et créer celui de l’École des Hautes Etudes, on peut dire qu’aucune des réformes qui eurent lieu, depuis Duruy jusqu’à M. Leygues, en passant par Jules Simon, Jules Ferry et M. Léon Bourgeois, ne se fit sans qu’il fût appelé à donner son avis. Cet avis ne fut pas toujours écouté, cela va sans dire, et il ne fut pas, ou du moins ne parut pas toujours le même. Jusque vers 1880, M. Boissier eut dans les questions pédagogiques une attitude de novateur, et ensuite une attitude de conservateur. Fut-ce réellement lui qui changea ? Nous croyons plutôt que ce furent les circonstances. Il appuya d’abord les modifications qui lui semblaient indispensables pour adapter aux besoins de la société contemporaine le vieil édifice universitaire ; quand elles furent accomplies, et qu’il vit que d’autres allaient plus loin encore, il refusa de les suivre. Ainsi, pour ce qui est de l’enseignement supérieur, il jugea qu’il ne devait pas rester ce qu’il était en 1850, une simple collection de causeries brillantes et vagues devant un public d’amateurs ; il voulut qu’on fit de vraie science, devant de vrais élèves : de là son adhésion aux mesures de Duruy, d’Albert Dumont, de M. Liard ; de là son rôle dans la fondation de l’École des Hautes Etudes et dans l’inspection des Facultés des lettres. Mais plus tard, il pensa qu’on oubliait un peu trop la formation générale de l’esprit pour une érudition de plus en plus technique : dans sa réponse à M. Lavisse, il eut quelques mots de regrets pour les anciens « cours de Facultés ; » il s’opposa de tout son pouvoir, comme humaniste encore plus que comme normalien, à la suppression de l’École normale, et aux autres décisions animées du même esprit. Pareillement, en ce qui concerne les lycées, il commença par approuver qu’on en chassât les exercices démodés et purement