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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/368

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aurait pris une valeur artificielle et changeante. Les capitaux étrangers se seraient écartés des États-Unis. C’eût été, à bref délai, une catastrophe générale. Soutenu par les gens de Wall Street, M. Mac Kinley fit triompher l’étalon d’or. L’argent succomba, M. Bryan aussi.

Sa défaite lui fit des loisirs, qu’il consacra a voyager. Il connaissait à fond les États-Unis et il n’est pas une de leurs villes, grandes ou petites, qu’il n’ait, paraît-il, visitée. Il résolut de voir le monde. Il alla tour à tour au Japon, en Corée, en Chine, aux Philippines, aux Indes, en Égypte, en Palestine, en Grèce, en Turquie, en Russie. On aperçut sa belle tête chauve de clergyman aux premières séances de la Douma, On le vit, après tant d’autres, faire un pèlerinage chez Tolstoï. Il assista à Drontheim au couronnement d’Haakon VII. Il visita l’Allemagne et l’Angleterre, prononçant des harangues pacifistes. Il vint à Paris. Mais c’était l’été et il n’assista qu’à une fin de session. Il fit une pointe en Espagne, reprit le bateau, rentra à New- York. Ses amis l’attendaient (30 août 1906) et lui firent une ovation, comme savent en faire des gens de l’Ouest, qui n’ont pas reculé devant quatre jours de chemin de fer. Les femmes lui jetaient des fleurs. Les hommes prenaient d’assaut sa voiture et se disputaient ses shakehands. Un meeting à Madison square lui fournissait, le soir même, l’occasion de s’expliquer. Quelle influence sa tournée mondiale avait-elle eue sur ses idées ? Que pensait-il, après avoir vu, selon sa propre expression, onze pays et dix capitales, des affaires américaines ?

Après ses deux échecs de 1896 et de 1900, M. Bryan n’avait pas perdu courage. Et, dans un manifeste de janvier 1904, il avait encore soutenu la frappe libre de l’argent. Cette obstination avait eu pour effet de faire écarter sa candidature par la Convention démocrate de Saint-Louis. Le juge Parker, la veille inconnu, lui avait été préféré. M. Bryan avait obtenu cependant qu’on ne parlât pas, dans la « plate-forme, » de la question monétaire. Ce silence lui sauvait la mise. Mais il avait compté sans M. Parker qui, en apprenant sa désignation, s’empressa de télégraphier qu’il était hostile au free coinage. La Convention, par 774 voix contre 471, lui répondit : « Les opinions que vous exposez dans votre télégramme ne sont nullement faites pour empêcher celui qui les soutient d’être désigné comme candidat. « C’était, en termes clairs, notifier à M. Bryan que la « planche » de la frappe