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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/45

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1838


Paris, 20 mai 1838.

Je suis fort aise, monsieur, que vous approuviez à ce point ma politique écrite. Je voudrais, avant la fin de la session, soumettre aussi à votre jugement un peu de politique parlée. Ce serait utile. Je ne l’espère pas beaucoup. L’occasion que je cherche, tout le monde l’évite, Chambre et ministres, et je suis très décidé à ne tenter aucune provocation factice. Il faut que la balle me vienne naturellement, et qu’en me voyant monter à la tribune, chacun dise : « M. Guizot ne peut s’en dispenser. »

Voici du reste mon impression exacte sur cette fin de session. Le cabinet est à peu près aussi bas qu’il le puisse être. Nous ne sommes pas aussi haut que nous le devons être. Il a perdu beaucoup de terrain depuis six semaines. Nous n’en avons pas encore assez regagné, quoique nous en ayons regagné. Ceci entre nous. Vous êtes, monsieur, du petit, très petit nombre d’hommes avec qui on peut parler exactement vrai. La vérité ne vous abat, ni ne vous enivre, parce que vous savez voir au-delà du moment et de l’apparence. Vous êtes établi au fond des choses. C’est bien rare.

Pensez-vous à la Revue ? Pensez-y et pour la répandre et pour l’aider. Votre article sur la statue de M. Marochetti était excellent. Que comptez-vous envoyer ?

Je vous ai particulièrement regretté ces jours-ci. Vous auriez bien parlé de M. de Talleyrand. Je vous aurais dit bien des choses. Il valait la peine de faire bien connaître ce caractère politique qui ne se reproduira plus, le grand seigneur courtisan. Les gouvernemens libres tuent cela. Je reviens de ses obsèques. Peu de monde. Pas plus de 3 ou 400 personnes. Le public, très indifférent. Peu de faubourg Saint-Germain, malgré la lettre au Pape.


Du Val-Richer, 22 septembre 1838.

Vos lettres ne sont jamais longues, monsieur. Leur défaut, c’est d’être rares. Plus j’avance dans la vie, plus je tiens aux personnes pour qui j’ai de l’estime et du goût. J’ai assez de sympathie pour les hommes en général, individuellement pour très peu d’hommes. Je vous ai vu plein de bon esprit et capable