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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 46.djvu/679

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unanimement accepté, de l’arbitrage obligatoire, sur l’utile projet d’une vraie permanence de la Cour de La Haye, la Conférence arrêtée, tantôt par le fier parti pris d’une grande puissance de guerre, tantôt par le sot amour-propre de petites puissances de paix, n’a pas donné tous les résultats qu’on en pouvait attendre. Mais cet échec, si grave soit-il, l’effleure dans ses détails, sans l’atteindre au cœur de son œuvre, au centre même de sa pensée.

Décidée pendant le conflit russo-japonais, sous l’émotion des multiples alertes d’une lutte à longue distance, la Conférence de 1907 se forme, s’assemble et délibère avec la volonté d’en empêcher le retour. Elle a l’obsession féconde d’une grande guerre, fille de l’impérialisme, dont l’Océan serait le théâtre et l’enjeu. Derrière la Conférence de la Paix, entre les Etats-Unis et le Japon, entre l’Allemagne et l’Angleterre, se profile l’ombre inquiétante d’une lutte pour la mer et par la mer. Qu’adviendrait-il des belligérans et des neutres, si cette guerre, que l’arbitrage ne saurait arrêter, éclatait tout à coup, dans le désordre d’un droit imparfait, archaïque, illusoire, brusquement incliné, par la nouveauté des inventions, de l’insuffisance à l’arbitraire, de la dureté à la barbarie ? Le conflit se limiterait-il aux belligérans ? Ou, faute d’un droit certain, n’allumerait-il pas, des neutres aux belligérans, des querelles nouvelles ?

C’est à quoi surtout, l’été dernier, songèrent les nations. Et la pensée que le droit des gens n’était pas prêt leur fut d’abord un cauchemar. Puis, dans cette Hollande, qui, par Grotius, voulut la liberté de la mer et, par tant de hardis marchands, la pratiqua, les peuples firent le rêve d’une guerre humanisée, ménagère de commerce, économe d’existences.

De ce rêve, exempt d’utopie, la réalisation commence. Dès maintenant, des résultats sont acquis. Où ils manquent, des obstacles se précisent, des élémens de progrès se déterminent, et, pour l’avenir, des espérances se lèvent.


I

Depuis l’âge héroïque des batailles napoléoniennes, le combat sur les mers avait changé d’aspect. Le charbon avait remplacé la voile ; pour garantir le moteur, le fer avait écarté le bois ; pour percer la cuirasse, la torpille était née ; pour la rendre